Revenons sur les démêlés judiciaires de Monsieur Chat, poursuivi successivement par la RATP et la SNCF en 2015 et 2016.
Petit rappel pour commencer : afin de sanctionner des faits de graffiti, le juge doit constater, d’une part, que l’artiste urbain a agi sans autorisation et, d’autre part, qu’il a causé un dommage au propriétaire du bien. Dans l’affirmative, il pourra prononcer une sanction pénale (amende et/ou TIG), qui revêt une fonction strictement répressive, réparer le « désordre social ». Bien entendu dans la quasi-totalité des cas il prononcera aussi une condamnation à verser au propriétaire des dommages et intérêts destinés à réparer son préjudice (par exemple, le coût de nettoyage de sa façade).
Dans l’affaire de Monsieur Chat face à la RATP, la question de l’existence du « délit de graffiti » est restée sans réponse, le procès n’ayant pas eu lieu sur le fond. En effet, la convocation de l’artiste a été déclarée irrégulière par le tribunal correctionnel de Paris car elle visait deux textes de loi : le premier sanctionnant de manière générale la dégradation d’un bien appartenant à autrui (article 322-1 alinéa 1 du Code pénal) et le second incriminant spécifiquement le « délit de graffiti » (article 322-1 alinéa 2 du Code pénal). L’artiste se trouvait donc dans l’incapacité de préparer efficacement sa défense. On peut donc regretter que la Régie des transports n’ait pas présenté une argumentation plus solide permettant au juge de statuer sur le fond. Il aurait en effet été intéressant de voir si le tribunal acceptait de voir un dommage nécessitant réparation, car les matous bien connus avaient été dessinés sur les murs en rénovation d’une station de métro et devaient disparaître après la pose d’un carrelage neuf sans qu’il soit nécessaire de les nettoyer ou de les repeindre.
En 2016, néanmoins, Monsieur Chat a été condamné à une amende de 500 euros sur le terrain du « délit de graffiti » pour avoir réalisé quelques dessins au marqueur sur des cloisons temporaires installées par la SNCF dans la gare du Nord afin de dissimuler une surface en travaux. Le Procureur de la République avait requis une peine de 3 mois de prison ferme, en se basant sur le délit général de dégradation du bien d’autrui et en considérant l’artiste comme récidiviste.
La sanction prononcée par le tribunal correctionnel est apparue comme plus raisonnable mais n’en est pas moins contestable pour deux raisons :
- l’apposition de dessins sur des panneaux de chantier temporaires et ayant été recouverts dans le cadre des travaux de la gare (sans que la SNCF n’ait donc à les repeindre) peut difficilement être à l’origine d’un quelconque dommage ;
- selon l’avocate de l’artiste, la SNCF ne s’était pas constituée partie civile dans ce procès et n’avait donc sollicité aucune forme d’indemnisation, ce qui confirmerait l’absence de préjudice et sans préjudice, pas d’infraction.
On retiendra surtout que le Parquet de Paris, qui avait sollicité une peine de prison ferme, n’entend faire preuve d’aucune tolérance pour la pratique du graffiti, bien au contraire. Une peine de prison ferme apparaît comme très excessive et inappropriée mais cela indique, au moins, que le Parquet n’a pas été déstabilisé par la notoriété de Monsieur Chat ni par le soutien dont il a bénéficié de la part de personnalités publiques.
On se souvient à ce titre qu’en 1999, Miss.Tic, poursuivie par les propriétaires d’un immeuble sur lequel elle avait effectué un pochoir sans autorisation, avait été condamnée relativement sévèrement par le tribunal correctionnel de Paris, qui indiquait dans sa décision que les faits étaient « reconnus voire revendiqués ». Il est probable que, contre toute attente, la défense de l’artiste, fondée sur sa démarche de communication artistique et appuyée notamment par le témoignage de l’artiste Ernest Pignon-Ernest ou la maison Kenzo, l’ait défavorisée.