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Titre original : Lo chiamavano Jeeg Robot
Note:
Origine : Italie
Réalisateur : Gabriele Mainetti
Distribution : Claudio Santamaria, Luca Marinelli, Ilenia Pastorelli, Antonia Truppo, Salvatore Esposito, Stefano Ambrogi, Maurizio Tesei, Gianluca Di Gennaro
Genre : Action/Comédie/Drame/Fantastique
Date de sortie : 3 mai 2017
Le Pitch :
Courant dans les rues de Rome avec la police à ses trousses, Enzo plonge dans le Tibre et tombe dans une cuve de déchets toxiques. Il se retrouve alors doté d’une force surhumaine et d’une capacité de régénération. En sauvant sa voisine Alessia, une jeune fille autiste, du truand Fabio « Le Gitan », il se retrouve à devoir choisir entre mettre ses pouvoirs au profit de ses propres activités criminelles, ou être le super-héros qu’Alessia voit en lui…
La Critique de On l’appelle Jeeg Robot :
Précédé d’une jolie réputation de film original et barré, On l’appelle Jeeg Robot débarque enfin en France après une tournée de festivals. À l’image de ce qu’annonce le trailer, nous voici en face d’une œuvre pour le moins rafraîchissante qui sort des carcans…
Le colosse de Rome
On l’appelle Jeeg Robot n’est pas le premier film de super-héros européen. Des pays comme l’Italie, l’Espagne ou la France avaient essayé, dans les années 80, de surfer sur le succès de Superman avec, à l’arrivée, des nanars aussi fauchés et grotesques qu’opportunistes comme L’Homme Puma. Avec un tel postulat, minimaliste (un homme plonge dans un fleuve pollué et se retrouve avec des super-pouvoirs), on aurait d’ailleurs pu craindre le pire au niveau de la qualité, et se retrouver devant une copie du film Z culte Toxic Avenger. Mais Gabriele Mainetti, pour son premier long-métrage, évite soigneusement le piège du n’importe quoi non canalisé et foiré de A à Z. Le parti-pris original (et c’est ce qui a contribué au succès) est un mariage improbable entre les films de super-héros et le néo-réalisme italien de Pasolini et de Matteo Garrone, soit deux catégories à l’extrême opposé. Un mélange qui en a laissé plus d’un perplexe. D’ailleurs, le réalisateur a eu toutes les peines du monde à convaincre des producteurs dans un pays où ce sont plutôt les petits films d’auteur et les comédies qui trouvent grâce. Mainetti qui a donc financé lui-même son projet, pour un budget de 1.7 millions d’euros, soit à peu près le budget cantine sur le tournage d’Avengers.
Super-héros ma non troppo
On l’appelle Jeeg Robot s’inscrit tellement dans le réalisme que les personnages et le cadre s’en ressentent. Ce qui est une qualité et un défaut à la fois, vu que le film manque de ce petit plus de folie et de frénésie. Dans la tradition du cinéma de genre transalpin (notamment les westerns spaghettis), le pitch se refuse à tout manichéisme. Pas de héros tout gentil contre les méchants. L’action se déroule dans les bas-fonds les plus glauques de la banlieue de Rome (on a vu plus funky comme cadre). Les personnages n’ont rien de glamour. Le héros principal est loin du canon bodybuildé, bien coiffé et au sourire ultra-brite. Bedonnant, se nourrissant exclusivement de crèmes desserts à la vanille et avec des DVD de films pornos qui jonchent le sol de son appartement très crade, on a connu plus sexy. Au niveau moralité, même constat. Le protagoniste central est un voleur à la petite semaine, misanthrope, maladroit avec les femmes et rarement sympathique. Pour incarner ce super-antihéros, Claudio Santamaria, habituellement bel homme, n’a pas hésité à prendre 20 kilos de gras pour se tailler un physique à la Seth Rogen et livrer une prestation jubilatoire. À l’arrivée, le film encourage le spectateur à se demander ce qu’il ferait si il se retrouvait soudainement avec de nouveaux pouvoirs. Ferait-on de suite le bien autour de nous ? Pas forcément. Là aussi, le personnage met sa nouvelle force pour subvenir à ses envies.
Mais, même irrévérencieux, Mainetti aime le genre auquel il se rattache et en respecte le cahier des charges avec une origin story travaillée. On l’appelle Jeeg Robot suit un schéma bien connu : le premier sauvetage, le coup de foudre, le trauma nécessaire et enfin le changement et la confrontation. Pour amener un peu de douceur, le personnage féminin est campé par le mannequin et ancienne candidate de télé-réalité Ilenia Pastorelli qui, pour son premier rôle au cinéma, montre de sérieuses dispositions. Elle est en roue libre et en fait des caisses mais c’est totalement adapté à son rôle. Côté grand méchant, le personnage du « Gitan », un ancien du Secret Story transalpin qui rêve de gloire et veut devenir le truand le plus célèbre du pays, est un peu sur le fil du rasoir. Il participe au côté comique de l’entreprise et là aussi, l’acteur en fait des tonnes (façon Commedia dell’arte) mais manque par moments de crédibilité. C’est dans la deuxième partie qu’il s’avère plus intéressant et ça tombe bien, c’est à ce moment que Jeeg Robot fait parler la poudre.
Fulguro-pain dans la gueule
Si on parle ici d’un hommage au film de super-héros, il ne faut pas négliger le véritable clin d’œil du réalisateur, qui s’adresse plutôt aux mangas. Populaire en Italie, Kotetsu Jeeg est un animé de la Toei, et créé par le papa de Goldorak dont il est un ersatz. Ce côté manga, on le retrouve dans les scènes d’action cartoonesques du film quand le héros arrache un distributeur de banque à mains nues, défonce un fourgon blindé à coups de poings et surtout dans les scènes de baston. Si plusieurs cinéaste italiens nous ont montré depuis longtemps leur talent pour filmer et valoriser les séquences où les personnages se balancent des pains, dans On l’appelle Jeeg Robot, cela prend une autre dimension. Dès la première bagarre, l’action est totalement irréaliste et offre des bouffées d’air frais. La séquence finale où Enzo et Le Gitan s’expliquent ne s’interdit rien et sans entrer dans les salades de phalanges légendaires du septième art, on prend plaisir à les voir défoncer les murs et exploser les cases. Ces moments-là font que le film remplit largement son objectif.
En Bref…
On l’appelle Jeeg Robot n’est pas conçu pour plaire au plus grand monde. Les lecteurs des Cahiers du Cinéma qui ne jurent que par le cinéma classique vont le regarder de haut et les geeks purs et durs vont peut-être s’ennuyer et préférer des films plus fous et subversifs comme Kick-Ass ou Super. En revanche, les amateurs de films originaux et transgenre pouront y trouver leur compte. Certes, il manque de rythme et de folie mais il a le mérite d’être honnête, sincère, et dépourvu de tout cynisme. Il ne prétend pas se faire passer pour ce qu’il n’est pas et surtout de montrer la vitalité du cinéma de genre italien. À ce titre, le Prix du Jury à Gérardmer est amplement mérité.
@ Nicolas Cambon