L'art est une préparation à la mort. Il nous aide à faire la paix avec notre condition de mortels. Une œuvre d'art est pareille à un maître, c'est une école qui n'a pas de fin, une leçon à la faveur de laquelle chacun de nous, dans le cours de sa vie, s'initie de plus en plus profondément à ce qu'il ressent à l'égard de la mort. Si nous n'avions jamais rencontré l’art en étroite relation avec la perception de la mort, – que ce soit dans un film, un livre ou une peinture —, en nous trouvant confrontés à la réalité de la mort, nous ne serions pas capables de faire face. Nous ne saurions pas comment nous comporter, comment nous soutenir ou nous protéger. Nos âmes se désagrégeraient sous le poids du chagrin parce que nous n'y aurions pas été préparés. Pouvez-vous imaginer une situation d'ignorance, de totale impréparation psychologique ou morale à la mort, lorsque soudain vous apprendriez la mort d'un être proche, d'une personne aimée ? Vous rentreriez chez vous, le cadavre déjà froid reposerait là, et c'en serait fini. Vous aimiez cette personne, elle vous était si proche, et de tout votre être vous ne sauriez littéralement pas répondre.
La mort est un thème d'une importance fondamentale. Or l'art, selon moi, exige un fondamentalisme thématique. Le réalisateur ne peut s'en remettre ni à des circonstances fortuites ni à des actions arbitraires. Il ne peut pas se dire : « Maintenant, pour gagner un peu d'argent, je vais tourner un film médiocre et commercialement viable, je passerai ensuite à quelque chose de plus artistique et méritoire. »
Alexandre Sokourov, in revue Europe août-septembre 2012 n° 1000-1001, article « Mort » de « L’Abécédaire », p. 140.
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