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Savoir distinguer loyer et indemnité d'occupation

Publié le 08 mai 2017 par Christophe Buffet

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 février 2015), qu'après le décès de Janine X..., locataire d'un logement donné à bail par la société d'habitations à loyer modéré Coopération et famille (la société Coopération et famille), M. Y..., invoquant sa qualité de concubin notoire, a sollicité le transfert du bail à son bénéfice ; qu'après avoir demandé à celui-ci de justifier de son identité et de la régularité de son séjour en France, la société Coopération et famille a refusé de lui transférer le bail et l'a assigné en expulsion et en paiement d'une certaine somme au titre d'un arriéré d'indemnités d'occupation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Coopération et famille fait grief à l'arrêt de dire que le bail doit être transféré à M. Y..., alors, selon le moyen, que le droit à un logement décent et indépendant n'est garanti par l'Etat qu'aux personnes résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'Etat ; que, spécialement, le concubin notoire qui vivait avec le titulaire du bail depuis au moins un an à la date du décès de celui-ci et qui sollicite le bénéfice du transfert du bail, s'il n'est tenu de justifier ni qu'il remplit les conditions d'attribution du logement ni que le logement est adapté à la taille du ménage, doit en revanche établir la régularité et la permanence de son séjour sur le territoire français ; qu'en décidant le contraire, par motifs tant propres que réputés adoptés des premiers juges, la cour d'appel a violé l'article L. 300- I du code de la construction et de l'habitation, ensemble les articles R. 441-1 du même code et 40- I de la loi du 6 juillet 1989 ;

Mais attendu qu'en application de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, le bail est transféré, au décès du locataire, au concubin notoire lorsqu'il vivait avec le titulaire du bail depuis au moins un an à la date du décès ;

Que, si l'article 40, I, alinéa 2, de la loi du 6 juillet 1989 subordonne le transfert du bail portant sur des logements appartenant aux organismes d'HLM et ne faisant pas l'objet d'une convention passée en application de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation au fait que le bénéficiaire du transfert ou de la continuation du contrat remplisse les conditions d'attribution d'un tel logement et que le logement soit adapté à la taille du ménage, ces conditions ne sont pas requises du concubin notoire ;

Qu'il en résulte que les conditions d'attribution d'un logement définies par l'article R. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, notamment la condition tenant au fait que ces logements sont attribués aux personnes physiques séjournant régulièrement sur le territoire français dans des conditions de permanence définies par arrêté, ne sont pas applicables au concubin notoire qui remplit les conditions de transfert du bail prévues par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ;

Attendu qu'ayant relevé que M. Y... était le concubin notoire de Janine X... et vivait avec elle depuis au moins un an à la date de son décès, la cour d'appel en a exactement déduit que le bail devait lui être transféré ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 12 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande en paiement de la société Coopération et famille, l'arrêt retient que celle-ci sollicite la somme de 23 103, 67 euros à la date du 26 septembre 2014 et demande que le montant de l'indemnité d'occupation soit augmenté de 30 % à titre indemnitaire, mais que, le bail devant être transféré à M. Y..., les sommes dues le sont au titre du loyer et non d'une indemnité d'occupation, et que le fondement juridique de la demande ne peut être modifié ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 12 du code de procédure civile permet au juge, lorsque les parties n'ont pas, en vertu d'un accord exprès, limité le débat, de changer la dénomination ou le fondement juridique de la demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Coopération et famille de sa demande en paiement d'une somme de 23 103, 67 euros arrêtée au 26 septembre 2014 et d'indemnités d'occupation pour la période postérieure, l'arrêt rendu le 17 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société d'HLM Coopération et famille.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le bail d'habitation du 27 octobre 1977 doit être transféré à " M. Jean-Pierre Y... ", par application des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989 et d'avoir rejeté les demandes de la société COOPÉRATION ET FAMILLE tendant d'une part à voir dire M. X se disant Y... occupant sans droit ni titre de l'appartement litigieux et à voir ordonner son expulsion immédiate, d'autre part à obtenir la condamnation de M. X se disant Y... à lui payer, outre les indemnités d'occupation qui lui étaient d'ores et déjà dues par M. X au titre de son occupation du logement depuis le 12 janvier 2011, des indemnités d'occupation correspondant aux loyers actualisés, augmentés des charges, tels que Mme X... les réglait au titre de son bail sur le local litigieux, avec majoration de cette somme de 30 % à titre de dommages et intérêts, jusqu'à parfaite libération des locaux,

Alors que le droit à un logement décent et indépendant n'est garanti par l'Etat qu'aux personnes résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'Etat ; que, spécialement, le concubin notoire qui vivait avec le titulaire du bail depuis au moins un an à la date du décès de celui-ci et qui sollicite le bénéfice du transfert du bail, s'il n'est tenu de justifier ni qu'il remplit les conditions d'attribution du logement ni que le logement est adapté à la taille du ménage, doit en revanche établir la régularité et la permanence de son séjour sur le territoire français ; qu'en décidant le contraire, par motifs tant propres que réputés adoptés des premiers juges, la Cour d'appel a violé l'article L. 300- I du Code de la construction et de l'habitation, ensemble les articles R 441-1 du même Code et 40- I de la loi du 6 juillet 1989.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le bail d'habitation du 27 octobre 1977 doit être transféré à " M. Jean-Pierre Y... ", par application des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989 et d'avoir rejeté les demandes de la société COOPÉRATION ET FAMILLE tendant d'une part à voir dire M. X se disant Y... occupant sans droit ni titre de l'appartement litigieux et à voir ordonner son expulsion immédiate, d'autre part à obtenir la condamnation de M. X se disant Y... à lui payer, outre les indemnités d'occupation qui lui étaient d'ores et déjà dues par M. X au titre de son occupation du logement depuis le 12 janvier 2011, des indemnités d'occupation correspondant aux loyers actualisés, augmentés des charges, tels que Mme X... les réglait au titre de son bail sur le local litigieux, avec majoration de cette somme de 30 % à titre de dommages et intérêts, jusqu'à parfaite libération des locaux,

Alors que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'il peut, lorsque les parties n'ont pas, en vertu d'un accord exprès, limité le débat, changer la dénomination ou le fondement juridique de la demande ; qu'en retenant que " Le bail devant être transféré à M. Y..., les sommes dues par M. Y... le sont au titre du loyer et non d'une indemnité d'occupation. La Cour ne peut modifier le fondement juridique de la demande de la société Coopération et Famille qui sera donc déboutée de ce chef ", la Cour d'appel a méconnu ses pouvoirs et, par suite, violé l'article 12 du Code de procédure civile."


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