A la limite, si percer en boxe professionnelle prend trop de temps, il pourrait se faire des tunes dans le catch. Roger Couderc le transformerait en vedette de la télé et sa notoriété l'aiderait à entrer dans une bonne écurie. Il hausse les épaules quand ses potes Éric, Feddy et Dom essaient vainement de le dissuader. Ils n'ont pas de souci à se faire. Ils ont vu comment, à chaque fois, il allonge le plus grand de l'école qui le dépasse d'une demi-tête. Il empruntera une trajectoire un peu semblable à celle de Lino Ventura, lutteur puis acteur. Lui sera lutteur amateur (indispensable s'il veut aller aux J.O.), boxeur ou catcheur professionnel, et enfin pilote. Il adore Ventura, surtout quand il distribue les baffes, par exemple dans Les Tontons flingueurs. Avec ses épaules carrées et son aptitude à la bagarre, Ronan paraîtra crédible dans le rôle du costaud. Au pire, si les sports de combat ne payent pas assez et qu'il ne parvient pas à acheter une bonne voiture, il commencera par la moto. Du moment qu'il s'agisse de vitesse avec un engin qui offre des sensations fortes, tout lui convient. Une fois champion sur deux roues, il trouvera bien un volant.
En 1964, le pilote préféré de Ronan s'appelle Mike Hawthorn. Les plus connaisseurs en matière de sports mécaniques se rappellent que Mike est décédé dans un accident de la circulation le 22 janvier 1959 après avoir notamment remporté le titre de Champion du monde de F1 1958 et les 24 Heures du Mans 1955. Ronan a découvert le champion anglais d'une manière originale. Le jeune garçon est né le dimanche 5 juillet 1953 et il s'est demandé si cette date correspondait à un événement notable dans le monde de la course automobile.
Alors, un jeudi matin, le grand-père d'Éric a amené les deux gamins aux archives municipales de Lorient consulter les journaux d'époque. Le petit groupe a trouvé ce qu'il cherchait. Il s'était bien passé quelque chose de particulier ce jour-là. C'était le Grand-Prix de France 1953, une course qui donna lieu à un final ahurissant. A cinq tours de l'arrivée, Hawthorn sur Ferrari et Fangio sur Maserati étaient roues dans roues. Ils se livrèrent un duel acharné, se doublant et se redoublant sans cesse. A l'amorce du dernier tour, ils passèrent devant les tribunes côte à côte. Qui allait l'emporter ? Fangio sembla prendre un instant l'avantage, mais l'épingle du circuit lui fut fatale. Gêné par une première qui ne passait plus, il perdit du temps à la sortie du virage le plus serré et franchit la ligne d'arrivée derrière Hawthorn. En Anglais soucieux de son apparence, Mike Hawthorn s'était présenté au départ vêtu d'un blouson en daim vert et d'un nœud papillon. Ce détail impressionna beaucoup Ronan qui trouvait qu'il ressemblait un peu à Mike Hawthorn.