On a de plus en plus tendance à qualifier de Fake News les nouvelles qui déplaisent à la personne ciblée. Donald Trump a usé et abusé de ce terme sur Twitter et lors des interviews pour faire taire des prises à partie. La Fake News était à l'origine une catégorie de nouvelles spécialisées portée par des sites célèbres en France comme le Gorafi, ou The Onion à Chicago. L'internaute qui se rend sur ces plateformes est conscient a priori du caractère parodique du contenu. Mais sur d'autres sites, c'est bien différent.
Des informations présentées comme vraies par des sites Internet manipulateurs contrefaits en médias crédibles. Les dirigeants politiques ne créent pas de Fake News au sens strict du terme. Ils peuvent en revanche donner de l'écho à celles propagées par certains médias. En Octobre 2016, le terme Fake News est tombé dans le langage usuel lors de l'élection de D. Trump.
On peut considérer la Fake News de différentes manières : une propagande politique, une manœuvre journalistique peu maligne ou bien des faits qui ne vous plaisent pas.
De manière théorique, la Fake News peut être de deux types : celle qui est produite à but lucratif et celle qui est produite à des fins de propagande et d'influence. De façon un peu plus meta, on peut également distinguer la news que les gens ont propagé de manière involontaire ou bien celle qui est répandue avec une intention. Ainsi les médias ont parfois été instrumentalisés pour servir un mensonge, comme les armes de destruction massive avant la guerre d'Irak en 2003.
Dans tous ces cas, on se rend compte que l'enjeu réel des Fake News est assez inextricable. Les émetteurs ont l'ascendant sur les récepteurs d'information.
Une étude menée par deux chercheurs des universités de New York et Stanford auprès de 1200 internautes nous fournit un enseignement alarmant. Il leur a été présenté de vraies informations issues de médias crédibles, des Fake News relayées sur le web, et des fausses Fakes News inventées dans le cadre de cette étude.
Les proportions d'internautes qui déclarent avoir vu et cru des Fake News réelles et des Fake News inventées sont quasi similaires... Ce constat est inquiétant car la recherche de l'authenticité des sources est loin d'être un réflexe inné des socionautes. A cela, s'ajoute le fait que 10% de ces sondés sont prêts à croire toutes les informations qui leur sont présentées à condition qu'elles correspondent à leur parti pris. Ce qui confirme le concept bien connu de biais de confirmation.
Les Fake News posent peu de menaces au-delà de la nécessité d'une vigilance accrue. Elles risquent néanmoins de mettre en péril un système basé sur le partage de l'information et fait peser des doutes sur la crédibilité des médias. Elles peuvent donner l'impression que les médias offrent une seule des nombreuses vérités possibles.
Ainsi, selon Garry Kasparov : " If you can convince people that real news is fake, it becomes much easier to convince them that your Fake News is real. " // Si vous pouvez convaincre les gens que les nouvelles réelles sont fausses, il devient beaucoup plus facile de les convaincre que vos fausses nouvelles sont réelles.
Mais les dirigeants politiques et les socionautes ne sont pas les seuls responsables de ce phénomène. Il est intéressant de rappeler qu'il s'inscrit dans un contexte de mise en concurrence des contenus sur un marché trusté par un duo de géants Google et Facebook. La " marchandisation " du contenu de Google et le déploiement de flux de news sur Facebook positionnent les deux acteurs de nouvelles comme les plus puissants de l'histoire.
Google est la porte d'entrée à l'accès au " online content " pour les internautes à la recherche d'informations. Facebook quant à lui est un " content pusher " via son stream de contenu pour les internautes en mode consultation. Malgré eux Facebook et Google ont créé un écosystème dysfonctionnel.
De nouveaux acteurs se sont immiscés sur le terrain de l'actualité en jouant avec les règles de la production de Fake News et de monétisation. Plus de 60 sites Web publiant de fausses nouvelles gagnent des revenus provenant de réseaux publicitaires et la plupart d'entre eux travaillent avec des réseaux majeurs tels que Revcontent, Google AdSense. Ces sites, une fois qu'ils sont signalés par les internautes comme étant nuisibles, s'adaptent, se transforment et investissent une autre plateforme ou une autre régie. Ils disposent d'une agilité telle qu'un contenu faux peut être posté sur un forum type 4Chan, puis vivre sous la forme d'un article sur une série de blogs de contenu, prendre la forme d'une bannière publicitaire voir une vidéo et être monétisé via des régies publicitaires grand public avec des titres très accrocheurs.
Ce phénomène est pris au sérieux par les principaux acteurs de la tech et de nombreuses initiatives ont été prises.
Google a ainsi annoncé une révision de son moteur, pour faire remonter des résultats " d'autorité " sur les recherches contenant des contenus trompeurs. Il est également possible pour certains utilisateurs de signaler des suggestions de recherche " inappropriées ".
L'internaute pourra, dès l'affichage des résultats d'une requête, savoir si l'information a été vérifiée et quel est son degré de fiabilité.
Facebook France, de son côté, va déployer un système de vérification des faits en s'associant à huit médias français. Les utilisateurs seront ainsi incités à signaler les articles douteux. Dès lors que deux médias partenaires qualifieront une publication de fausse info, celle-ci sera signalée par un pictogramme, ne sera plus affichée en priorité et ne pourra plus être monétisée.
Parallèlement, le P-Dg d'Apple veut lancer des outils pour lutter contre les Fake News, pour aider à réduire le volume de fausses informations et appelle à une " campagne de grande envergure " menée dans les écoles notamment.
Wikipédia, le géant mondial de l'encyclopédie communautaire, s'en va " guérir " l'information. Jimmy Wales, a annoncé le lancement de Wikitribune, une plateforme dédiée à l'actualité neutre et vérifiée par des journalistes embauchés à temps plein.
En dehors de ces actions, il nous appartient d'adopter une hygiène " critique " dans ce qui est diffusé ou remonté sur les plateforme s de contenu et respecter une checklist simple :
- Etre critique dans le choix des sources et s'assurer que les informations fournies sont correctes, comme tout bon travail de journaliste.
- Se poser la question : Pourquoi ceci apparaît -il exactement à ce moment-là ?
- Le contexte de la nouvelle est-il propice à l'éclosion de Fake News
Au final, l'issue de ce phénomène se trouve à mi-chemin entre la protection à l'exposition à ces Fake News (au risque de limiter le droit à l'expression) et l'éducation (avec le risque de formater la compréhension des messages) à appréhender les informations.
K.M.