Chaque mois, vers le début, je vous parle d'un film, tout comme je vous parle de musique (vers le milieu) et de littérature (vers la fin) honorant du même coup ce qui me plait le plus au monde après mes enfants et les femmes en général.
Je vous parle d'un film qui m'a plu par sa facture visuelle, sonore, narrative, esthétique, par ses intervenants, son impact sur ma personne, tout ça en même temps, bien souvent.
Un film qui m'a ouvert les sens.
L'année que j'ai gagné un prix pour un Court-Métrage au Festival des Films du Monde de Montréal, je me méritais (en présentant un film), un laissez-passez pour toutes les représentations du festival. C'est dans une totale ignorance que je me glissais dans la salle représentant le film de l'allemand Tom Twyker que je ne connaissais ni d'Ève, ni d'Adam, et dont je ne savais rien du film, ni de ses interprètes.
Quelle ne fût pas ma surprise d'y trouver un plaisir fou, qui allait non seulement me ramener au visionnement du même film, quelques jours plus tard, dans la catégorie "films les plus populaires du Festival, en seconde représentation à la demande générale".
J'achèterai le film en Blu-Ray des années plus tard, pour le réécouter, encore et encore...en boucle...
Je ne le savais pas encore, mais quelques jours plus tard, étudiant, je voyais par hasard un autre film, 5 ans plus vieux, du même Tom Twyker: Deadly Maria, mettant en vedette Nina Petri, qui nous avait tous, cinéastes en herbe, jetés par terre. La dose de mystère y avait été parfaite. La manière de tourner aussi. L'étrangeté des choix nous avait stupéfaits. La musique comme personnage nous avait fasciné. J'allais retenir le nom, très nord-américain de ce réalisateur allemand. Jamais plus il ne m'intéresserait de la même manière toutefois. 1998 me semble si loin. Un autre monde.
C'est justement cette plongée dans un autre monde qui m'avait plu dans le cinéma de Twyker.
Twyker allait me faire jubiler avec Run Lola Run.
Je me revois applaudir comme un otarie entre deux amis devant certaines scènes.
Lola fera trois courses afin de sauver la peau de son amoureux, dans de beaux draps. Non, pas trois courses, trois fois la même course. C'est le jour de la marmotte avec les mêmes rencontres (dont Nina Petri dans un petit rôle) mais avec de petite variantes menant à des conclusions toujours plus déjantées. Twyker y parle de libre arbitre et de déterminisme. Il y fait de nombreux clin d'oeil au Vertigo d'Alfred Hitchcock, avec son café Spirale et l'idée de la boucle bouclant la boucle avec toujours plus de cynisme. Le narrateur du film est un célèbre narrateur de conte pour enfants en Allemagne. Il nous raconte l'histoire de Lola, dont le copain Manny a perdu une forte somme qu'il devait remettre à son patron. On gravite dans l'univers des petites fripouilles. Manny demande à sa copine Lola de l'aider à lui trouver la somme dans les 20 prochaines minutes sinon il mourra. Lola courra, courra, courra trois fois.
Les trois courses commencent par la même conversation téléphonique. Le père de Lola travaille dans une banque et Manny suggère à sa blonde de lui demander des sous à lui. La première course proposera un peu de dessins animés. La fin y sera tragique pour Lola.
La seconde course offre de nouvelles sources de ressources financières, mais la fin n'est pas bonne cette fois, pour Manny.
La dernière course termine le film et je ne vous dis pas comment, à vous de le découvrir.
Twyker traite de la chance, des lois loufoques du hasard. des destins, des obscures effets des relations entre individus, de l'effet papillon avec les flash-forward offrant des destins étonnants à des personnages furtifs. Twyker nous raconte que le plus petit des accrochages avec autrui peut avoir de multiples impacts insoupçonnés.
Franka Potente y va d'une performance athlétique formidable. Moritz Bleitbreu y est poignant. Twyker, Johnny Klimek et Reinhold Heil nous signent une trame sonore qui nous habite longtemps après le film. Les deux derniers débutent alors, avec ce film une carrière internationale remarquable dans la trame sonore.
Comme je craque facilement pour le cheveux rouge féminin, je suis vite tombé amoureux de Miss Potente dans ce film. Mesdames aimeront Moritz aussi, je le sais.
Pour les amateurs de techno, de rythmes allemands, de fort amusant kitch , d'Allemagne animée, de manière de tourner originales et nouvelles, de course, d'états de survie, de films de peu de dialogues, de répétitions, d'Hitchcock, de concept, d'Europe et d'action.