CJCE, arrêts du 26 juin 2008, C-329/06 et C-343/06, Wiedemann et C-334 à 336/06, Zecher.
Bref, les différentes personnes en cause dans ces affaires s'étaient vues retirées leur permis de conduire en Allemagne pour conduite en état d'ivresse ou sous l'influence de stupéfiants. Ils pouvaiten le repasser mais devaient soumettre avant cela un rapport d'expertise médico-psychologique constatant leur capacité à conduire.
Ils obtinrent un nouveau permis en République Tchèque où cette formalité n'était pas requise. L'Allemagne refusa de reconnaître ce permis, à défaut de rapport d'expertise. La question posée à la Cour par le Tribunal allemand saisi du litige est simple: ce refus est-il compatible avec la directive 91/439 qui organise, entre autres, une reconnaissance automatique des permis européens?
En effet, il ressort du premier considérant de la directive 91/439 que le principe général de reconnaissance mutuelle des permis de conduire délivrés par les États membres, énoncé à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, a été établi notamment en vue de faciliter la circulation des personnes qui s’établissent dans un État membre autre que celui dans lequel elles ont passé un examen de conduite. Or, selon la Cour, "ledit article 1er, paragraphe 2, prévoit la reconnaissance mutuelle, sans aucune formalité, des permis de conduire délivrés par les États membres. Cette disposition impose aux États membres une obligation claire et précise, qui ne laisse aucune marge d’appréciation quant aux mesures à adopter pour s’y conformer" (point 47 et jurisprudence citée).
Bref, l'exigence d'un rapport d'expertise préalable à la reconnaissance d'un permis issu d'un autre pays européen est contraire à la directive.
Si l'Etat membre de reconnaissance doute que le titulaire d'un permis issu d'un autre pays membre remplissait bioen les conditions, à la date de la délivrance du permis, d'obtention de celui-ci, il ne lui appartient pas plus de refuser la reconnaissance dudit permis. Il "lui incombe d’en faire part à celui-ci dans le cadre de l’assistance mutuelle et de l’échange d’informations institués à l’article 12, paragraphe 3, de la directive 91/439. Au cas où l’État membre de délivrance ne prendrait pas les mesures appropriées, l’État membre d’accueil peut engager à l’encontre de ce dernier une procédure en application de l’article 227 CE, visant à faire constater par la Cour un manquement aux obligations découlant de la directive 91/439" (point 57). On fera un parallèle avec la jurisprudence récente sur la directive 96/71 (une marotte personnelle): un système de coordination étant prévu par la directive, il n'appartient pas à suppléer à celui-ci via des mesures nationales, quand bien même la procédure de coopération prévue est inefficace.
La situation serait bien entendu différente en cas de comportements illicites postérieurs à la délivrance du nouveau permis. Dans un tel cas, l'Allemagne serait fondée à suspendre le permis tchèque si, par exemple, les personnes en cause étaient recontrôlées en état d'ivresse sur les routes allemandes. Mais ici, la suspension avait lieu pour des causes antérieures à la délivrance dudit permis. La situation serait également différente si le spersonnes se trouvaient toujours dans la période d'interdiction de permis. En effet, après la constation de l'infraction, outre le retrait de permis, celui-ci ne peut plus être obtenu pendant une certaine période. Ainsi, dans le cas de M. Zecher, le retrait avait eu lieu en 2002 et un nouveau permis ne pouvait être obtenu qu''à partir de 2004. Hélas pour l'Allemagne, les conducteurs ont obtenu en nouveau permis tchèque après cette période.
Toutefois, afin d'éviter les conséquences fâcheuses d'une telle jurisprudence qui rendrait de fait la lutte contre l'alcoolisme au volant en allemagne pratiquement inopérante, la Cour va tempérer cette double constatation afin d'éviter que ne se mette en place un "tourisme du permis de conduire".
En effet, les personnes en cause n'étaient pas des résidents tchèques mais des résidents allemands. Leur permis tchèque indique d'ailleurs bien qu'ils sont résidents allemands. Or, "il ressort du quatrième considérant de cette directive que parmi les conditions instaurées pour assurer la sécurité routière figurent celles énoncées à l’article 7, paragraphe 1, sous a) et b), de ladite directive, qui subordonne la délivrance d’un permis de conduire à des exigences relatives, respectivement, à l’aptitude à la conduite et à la résidence" (point 65).
Dans un tel, s'il est possible d'établir "non pas en fonction d’informations émanant de l’État membre d’accueil, mais sur la base de mentions figurant sur le permis de conduire lui-même ou d’autres informations incontestables provenant de l’État membre de délivrance, que la condition de résidence imposée à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 91/439 n’était pas remplie lors de la délivrance de ce permis, l’État membre d’accueil, sur le territoire duquel le titulaire dudit permis a fait l’objet d’une mesure de retrait d’un permis de conduire antérieur, peut refuser de reconnaître le droit de conduire résultant du permis de conduire ultérieurement délivré par un autre État membre en dehors de toute période d’interdiction de solliciter un nouveau permis".