Toutes les grandes entreprises ont désormais adopté les méthodes agiles dans au moins une partie de leurs projets informatiques. Afin de continuer à mieux répondre aux attentes de ses clients, la branche australienne d'ANZ annonce qu'elle s'apprête [PDF] maintenant à étendre la même démarche à l'ensemble de son organisation.
Quand elle affirme que 20% environ de ses initiatives « digitales » sont menées en mode agile aujourd'hui, la banque se positionne (à mon avis) dans la moyenne du secteur. En citant le cas spécifique du lancement d'Apple Pay, exécuté en 10 semaines entre l'idée et le déploiement auprès de la clientèle, elle démontre un savoir-faire réel un peu plus rare, qui change des mascarades que je rencontre régulièrement, dans lesquelles un projet classique est simplement découpé en « sprints » pour faire illusion…
Forte de ses succès et inspirée par quelques précurseurs (dont, notamment, ING) ayant eux-mêmes suivi l'exemple des géants technologiques tels que Spotify, ANZ voit dans ce qu'elle nomme « scaled agile » (l'« agilité à l'échelle », c'est-à-dire généralisée) une réponse aux défis du XXIème siècle. Et la vision proposée est à la mesure de l'enjeu : il s'agit en effet d'abattre les structures hiérarchiques traditionnelles et de les remplacer par un modèle en équipes resserrées, autonomes et fortement collaboratives.
Derrière cette révolution, les objectifs visés sont clairs. En redistribuant les responsabilités au plus près de l'opérationnel, les employés, disposant d'une vue complète sur leur rôle dans la chaîne de valeur, font preuve de plus d'engagement et d'initiative (avec plus de réactivité et d'efficacité, idéalement), au service direct des besoins (changeants) des clients. Cerise sur le gâteau, les « escouades » constituées pour chaque projet peuvent aisément accueillir des intervenants externes (partenaires, startups…), dont ANZ considère qu'ils contribueront de plus en plus au développement de la banque.
L'approche est fort séduisante… mais les obstacles sont nombreux sur la route de sa mise en œuvre à l'échelle d'une entreprise, surtout quand celle-ci a un historique conséquent. En premier lieu, elle ne peut être envisagée qu'avec l'adhésion pleine et sincère d'une immense majorité de ses milliers de collaborateurs (sinon de la totalité). Quels que soient les avantages mis en avant, la peur du changement est un frein naturel dont il est difficile d'imaginer comment ANZ parviendra à le contourner.
D'autre part, la partie difficile de la « méthode » Spotify est de maintenir une cohérence globale avec ce qui est, fondamentalement, une armée de startups autonomes. Les rôles qui en sont garants, ressortant plus de l'animation que du management, sont souvent nouveaux dans un groupe bancaire, alors qu'ils représentent certainement la clé du succès de l'initiative. Là encore, la transition sera délicate et devra probablement être conduite dans la durée, au-delà des 6 à 8 mois de préparation planifiés pour l'instant.
Rendez-vous, donc, dans quelques années pour évaluer les résultats… En attendant, les autres banques devraient continuer à perfectionner leurs pratiques agiles (sur les projets informatiques), celles-ci étant rarement prêtes à une quelconque généralisation.