Une carte mondiale interactive de la capacité microbiologique de l'intestin humain à résister aux antibiotiques, nommée " ResistoMap " , c'est l'ouvrage monumental réalisé par ces chercheurs de l'Institut de physique et de technologie de Moscou. En décrivant ainsi le potentiel d'antibiorésistance du microbiote de l'intestin humain, ces travaux, présentés dans la revue Bioinformatics vont contribuer à mieux identifier les tendances nationales d'usage des antibiotiques et chercher à anticiper les antibiorésistances.
Le microbiote humain se réfère à l'ensemble de tous les microorganismes résidant dans le corps humain. Par rapport aux autres organes, la flore intestinale comprend le plus grand nombre de bactéries. Les dernières études montrent que le microbiote intestinal pourrait être considéré comme un organe distinct composé d'une multitude de bactéries. Un organe qui pèse environ 2 kilogrammes et comprend environ 100.000 milliards de microorganismes. La recherche en génétique moléculaire nous décrit une composition des espèces relativement stable dans la flore intestinale mais qui peut être modifiée de manière spectaculaire en cas de changements dans le régime alimentaire ou de traitement antibiotique. L'ensemble de tous les génomes du microbiote intestinal connu sous le nom de métagénome comprend un " code comportemental " qui détermine les connexions trophiques (processus de nutrition et de croissance) et d'autres interactions de la communauté intestinale avec l'hôte humain. La stabilité ou la santé du microbiote intestinal humain est aujourd'hui documentée comme essentielle pour la santé digestive, métabolique, cardiovasculaire et immunitaire.
En cas de traitement antibiotique , l'abondance des gènes de résistance aux antibiotiques augmente. Lorsque ces gènes sont transmis à un agent pathogène, cela a des conséquences désastreuses tant pour le patient que pour la société dans son ensemble. L'analyse de la composition fonctionnelle du microbiote qui permet d'évaluer l'abondance relative des gènes de résistance aux antibiotiques dans le microbiote humain et de prévoir ainsi la capacité du microbiote à contribuer à l'apparition de pathogènes résistants est donc essentielle.
Le ResistoMap dispose de 2 principaux champs interactifs, une carte géographique et une carte de température. L'utilisateur peut choisir le groupe antibiotique ou le pays à afficher sur la carte de chaleur pour obtenir une vision du " résistome " associé. Les données peuvent être filtrées par pays d'origine, sexe, âge et diagnostic. La version actuelle de la Résistomap est basée sur un ensemble de données qui comprend plus de 1.600 individus ayant participé à 12 études dans 15 pays. Cependant, l'ensemble des données données de base peut être alimenté par de nouvelles données d'études. En pratique, Résistomap permet d'estimer la variation globale de la résistance à certains groupes d'antibiotiques et d'explorer les associations entre médicaments spécifiques et facteurs cliniques ou autres métadonnées.
Le cas inquiétant de la France : si les métagénomes intestinaux danois ont tendance à présenter l'antibiorésistance la plus faible au sein de l'Europe, les métagénomes français présentent les niveaux les plus élevés, en particulier aux fluoroquinolones, un groupe d'antibiotiques à large spectre. Ce niveau élevé d'antibiorésistance est lié au niveau très élevé de consommation d'antibiotiques en France. Les populations chinoises et russes présentent également des niveaux de résistance accrus, liés également à une prescription fréquente d'antibiotiques à large spectre et à leur accès en vente libre. Les niveaux les plus faibles de résistance aux microbiotes sont observés au Venezuela.
Les auteurs rappellent les quelques règles à suivre dont ne consommer des antibiotiques que sur prescription, à la dose prescrite, et sans interrompre son traitement(observance). Dépasser la durée de traitement prescrite laisse également plus de temps aux agents pathogènes pour développer leur résistance... Enfin, les antibiotiques à spectre étroit agissant contre des types spécifiques de bactéries sont plus sûrs et devraient être privilégiés par rapport à leurs homologues à large spectre. En pratique, quels conseils pour l'usager de santé ? A condition que l'agent infectieux puisse être correctement identifié.
14 March 2017 DOI: 10.1093/bioinformatics/btx134 ResistoMap-online visualization of human gut microbiota antibiotic resistome (Visuel " ResistoMap " @Bioinformatics)