Plutôt que copier, pourquoi ne pas réinventer... en mieux ? C’est ce que la Chine tente de faire depuis quelques années et avec brio.
Être rapide et pratique. Agile comme un dragon. Cet adage simple est exécuté en Chine avec une efficacité et une inventivité incomparables. Dans ce pays qui comptera dès 2030 la plus grande classe moyenne du monde, les succès digitaux fleurissent à grande vitesse, sans forcément inventer, mais en innovant. Comment ? En améliorant quelque chose qui existe déjà mais qui n’était pas assez conçu pour être efficace. La Chine est ainsi moins le pays des licornes que celui des dragons, le lieu où les entreprises savent transformer leur business plus rapidement que d’autres pour coller à l’évolution des usages. Revenons sur trois exemples pour étayer cette observation : les smartphones, les vélos partagés et l’Internet Finance.
Smartphone : Oppo et Vivo sont les nouveaux leaders de la rapidité
En 2014, Apple affichait un bénéfice annuel historique de 18 milliards de dollars lié en grande partie à la vente des smartphones en Chine. Deux ans plus tard, Apple conserve une part significative du marché (9.6%) mais ne fait plus partie du podium désormais partagé entre Huawei (16.4 %), Oppo (16.8%) et Vivo (14.8 %), selon une étude de IDC. Présenté un temps comme le grand rival de la marque à la pomme, Xiaomi ne tire finalement que 8.9 % du marché. Sa stratégie de personnalisation, basée sur une variété de systèmes d’application et d’objets connectés, fonctionne en général, mais n’a pas été aussi payante dans le mobile.
L’axe choisit par Oppo et Vivo : « être simple et rapide » avec une batterie se rechargeant en 3 à 6 minutes, couplé à un positionnement de marque simple et élégant, leur a permis d’arriver à ces niveaux. Devant Apple, tout près du leader Huawei… Dans un pays où les détenteurs de smartphones comptent pour 92 % des internautes (656 millions d’individus), où 65 % des paiement en ligne s’effectuent par ce biais (via WePay et AliPay) et où 146 millions de personnes commandent ainsi leur repas, le chargement d’une batterie devient capital. C’est là qu’il fallait innover. Oppo et Vivo l’ont compris mieux et plus vite que les autres.
Vélos partagés : l’essor d’une nouvelle mobilité
En Chine, la bicyclette est une histoire ancienne. En 1949, à la fin de son ouverture vers l’international, Shanghai comptait 230 000 vélos pour 3.5 millions d’habitants. Dans les années 1990, avec l’arrivée de l’automobile et la passion que ce nouveau mode de transport a suscité chez les Chinois, son usage n’était plus à la mode malgré une production toujours importante. Puis vinrent les embouteillages monstres et la pollution urbaine liée en partie à l’excès de trafic automobile… Il fallait une solution et c’est ainsi que la petite reine retrouva sa place avec un nouveau mode de consommation : le vélo partagé. Via son smartphone, on géolocalise les bicyclettes, on les bloque ou les débloque grâce à un QR code que l’on scanne, puis la route est libre. 18.9 millions de nouveaux utilisateurs en 2016, 50 millions prévus en 2017. Les leaders Ofo (la marque jaune) et Mobike (la marque orange) gagnent en moyenne 10 millions de RMB par jour grâce à leur nombre d’utilisateurs.
Le succès est tel que les municipalités doivent réglementer en urgence pour éviter une surconcentration de bicyclettes dans certains endroits. La révolution est toutefois en marche : valorisé à 2 milliards de dollars, Ofo va investir dans 200 villes chinoises et dans 20 villes du monde (dont Singapour et New-York). Voilà comment innover. Demain, le Jack Ma de l’économie partagée organisera peut-être un écosystème où les transports (vélo, voiture), l’habitat (ex. jeunes actifs célibataires) et certains emplois (livreurs, ouvrier d’usines, serveurs…) seront entièrement mutualisés.
Ping’An où la banque aux quatre écosystèmes de vie
Nulle part ailleurs qu’en Chine, les acteurs traditionnels de la banque et de l’assurance sont autant challengés. Les géants de l’internet (Tencent, Alibaba en tête) ont su créer des services en ligne qui non seulement regroupent tous les grands services bancaires (paiement, crédit, investissement) mais s’intègrent, de surcroît, comme des facilitateurs de leur propre univers de commerce. Face à ce challenge, les autorités chinoises pourraient davantage réglementer ces acteurs pour ne pas mettre en danger les banques chinoises, mais il en va aussi de l’intérêt du pays d’avoir ces acteurs agiles et compétitifs pour favoriser la consommation intérieure, levier essentiel de la croissance.
Au lieu d’attendre trop du lobbying réglementaire, certains acteurs comme Ping An ont pris très tôt le chemin de l’innovation. Créé en 1988 à Shenzhen, cette holding privée se définit d’abord comme un personal finance provider, tout en osant développer quatre écosystèmes de services digitaux basés sur leur cœur de métier : le transport, l’habitat, la nourriture et la santé.
Dans un pays où les docteurs sont surchargés de rendez-vous, le portail Ping An Good Doctor réussit ainsi à connecter 440 000 demandes par jour (période de pointe) avec 7000 spécialistes offrant des conseils en ligne ou facilitant la prise de rendez-vous. Plus de 22 % des nouveaux clients de Ping An arrivent par Internet. Les ventes croisées entre les services digitaux et les produits financiers ciblés se multiplient. Ping An offre un accès unique à sa galaxie de service. Encore une innovation de transformation. Un modèle traditionnel qui ose le digital.
Pleinement, comme un dragon métamorphosé par les services et les données !