616 A la lisière des mondes.
De ces jours
penché sur le passé
Reviennent me tordre le ventre
Les souvenirs douloureux
Où la famille et les animaux
Fraternels disparus me hantent
M’ouvrent le poitrail empli de larmes ameres
Me font des signes
Que je mets des éternités à comprendre
Avec entre les pieds
La lisière des mondes
En complet déséquilibre
Mon regard reste aveugle aux lointains
Je suis dans le close-up
Comme muni de loupes
Chaque pas est moins sûr
Sur le chemin de l’invisible
Où mes yeux dorment
Tandis qu’éveillé est mon cœur.
©CeeJay.
.
664 Le souffle ardent du cœur.
J’attends des déserts
Les sables étendus par le vent
Blottis devant ma porte
A espérer mes pas
Vers cet infini impérissable
Qui fait de l’homme une ombre passagère.
Je rêve par dessus les montagnes
A écouter les pensées du vent
Je veillerai la mer pendant tout son retrait
Je boirai le vin des rios
Qui au fond des vallées assoupies s’écoulent
Remerciant la nuit de sa vigilance.
Silencieux est mon visage
Dorment les ombres de nuit
Au fond de mon regard
Quelle est cette main que le ciel étend sur le monde?
Lourde est l’ancre qui nous tient éloignés des cieux
Seule la puissance des visions
Nous délivre de la captivité
Je retiens le cri
Et libère le souffle ardent du cœur.
©CeeJay.
.
693 Chemin d’humain
Les photophores éparpillent de lumières troublantes le jardin endormi
Dix-sept ans, le seul âge où l’on est vraiment adulte
L’amour est très sérieux quand on a dix-sept ans
Après tout s’amenuise et se compromet
Il est difficile d’oublier ces regrets douloureux
Qui régulièrement reviennent labourer l’âme
L’invisible est partout où nous allons libérer les ruines
Dans une marche hachée de somnambules aveugles
Les faunes aussi sont somnambules c’est la consolation
J’ai fait mon chemin d’humain sur la ligne la plus droite possible de la conscience
Jusqu’à un jour devenir ce petit nuage de cendres envolé dans les airs et le vide
Il me fut donné dès le départ cet accord avec moi-même
C’est une joie, un bâton pour s’appuyer, une tranquillité d’âme.
©CeeJay.
.
695 Ouvrir la cage de la force.
Les fenêtres fermées sont des trous noirs qui aspirent toutes matières
Les fenêtres ouvertes sont des yeux de lémuriens aveuglés de lumière.
Les parfums du passé s’extirpent des mémoires et viennent ramper sous nos pieds.
Un tiroir entrouvert laisse apercevoir un vieux cliché argentique presque effacé
S’en échappe un parfum qui projette sur grand écran des saynètes oubliées
Des parties de cachettes dans les caves et greniers mystérieux peuplés de secrets.
En ces temps chaque maison avait cave et grenier, un jardinet devant et un plus grand à l’arrière Planté d’une cabane à outils de jardin débarras de bric-à-brac hétéroclite qui n’en ressortait jamais.
Les portes du passé étaient très hautes bien que ces générations fussent bien plus petites que nous
Les portes fermées sont des univers aveugles où l’on perd le sens d’orientation
Les portes ouvertes sont des bouches qui mènent à des gosiers affamés prêts à vous engloutir.
Les relents nauséeux d’un présent iconoclaste viennent souvent anéantir la beauté survivante.
Un carrelage cassé laisse voir une terre noire comme celle des charbonnages d’antan
C’est le fumet de cette terre qui vient ranimer l’atmosphère et supplante les puanteurs actuelles.
La senteur de la poussière de charbon et l’odeur du purin qui traverse le jardin
Préférées aux effluves de mazout et de produits chimiques qui sentent la charogne.
Les visages fermés sont des mondes d’anti-matière ogres désireux d’avaler l’univers en entier
Les visages ouverts sont des déserts inconnus qu’il faut arpenter muni d’une force qui défie le réel
Un col ouvert dévoile la veine bleu qui pulse et donne envie d’y glisser un baiser
Une effluve chaude s’en échappe et vient s’identifier, elle est reconnaissable entre mille
Elle peut être celle de l’amour ou celle de la haine elle est senteur d’humain et change avec l’âge.
Les poings sont ouverts ou fermés et disent de millénaires en millénaires toujours la même histoire.
©CeeJay.
.
697 Ce que je sais
Que savons-nous des larmes de l’arbre
De la couleur du sang de la pierre
Les âmes des corps célestes sont-elles éternelles.
Que savons-nous du désir des trous noirs
De l’épuisement de la terre à la tâche perpétuelle
Les mystères sont-ils des entités.
Que savons nous vraiment de nous
De notre présence les uns auprès des autres
Y a-t-il une ligne qui relie toutes nos existences .
??? ???
Moi je sais les pleurs des animaux
La sensibilité extrême des végétaux
La souffrance des montagnes à émerger.
Je sais que le papillon ignore qu’il était chenille
Que les maisons gardent nos traces dans leur murs
Le voyage hors des corps pour un dernier adieu.
Je sais que la mer est vivante
Que les vents ensemencent les terres
L’esprit capable de mille fois plus de pouvoir.
!!! !!!
©CeeJay.
.
708 La Paix
C’est le trou noir au fond des poches
Sous l’ombre caressante de la tendresse
Les yeux aux bord des mondes
Les mots derrière les lèvres closes
Le cœur si calme qu’on ne l’entend plus battre.
Baignés de fraîche lumière
Les vieux arbres se taisent
Se contentent du vent dans leurs branches
Du soleil qui traverse leur feuillage
Et de revivre après chaque mort d’hiver.
©CeeJay.
.
J.C. Crommelynck, alias CeeJay. Né à Bruxelles le 10/09/1946, il fait ses études à l’Académie Royale des Beaux Arts de Bruxelles. Peintre, sculpteur, graveur. Styliste mode à Paris, professeur d’art en Belgique et aux USA. Commandeur de l’ordre de la couronne. En 2011 il reçoit le prix Slam et poésie de la Maison de la Francité. Il est régulièrement invité à plusieurs festivals de poésie en Europe, Afrique, etc. Publié dans plusieurs revues de poésie, traduit en Russe, Anglais et Arabe, un recueil de poésie Bombe voyage bombe voyage en 2014 aux éditions maelstrÖm reEvolution. Le prophète du néant est son deuxième recueil à paraître fin avril 2017 à l’Arbre à Paroles. Advertisements