Pendant les publications de Mr Lei Huang [1], j’avais évité toute forme de commentaire. A présent, j’ai encore vieilli et je profite de mon fils comme copiste. Je voudrais insister brièvement sur deux points.
Deux copies inspirées du Maître du Tympan
Annonciation, tribunes Sud de la nef
Annonciation, par le Maître du Tympan
Il s’agit de l’Annonciation répétée en double sur un chapiteau des tribunes Sud de la nef, reprise du haut-relief par le Maître au fond du transept Nord. La copie est indubitable avec la reprise des mêmes détails, mais l’adoption d’un style différent, schématisme et symétrie. Formule utilisée pour la moitié des tribunes et tout le cloître, ainsi que pour la dalle funéraire de l’abbé Bégon. D’où le nom d’atelier de Bégon donné à cet ensemble.
Nef côté Nord Voûte de la nef.
Sainte Foy menée au supplice
Autre copie, celle du chapiteau avec Sainte Foy menée au supplice dans la nef côté Nord, pour un chapiteau d’une retombée de la voûte de la nef. On retrouve les mêmes effets de schématisme. Et il faut noter que les derniers chapiteaux des tribunes sont d’un style plus médiocre, preuve que l’atelier a cessé de fonctionner.
Personne n’a insisté sur le fait que le plus grand artiste de Conques a pu être utilisé, ce qui lui donne une datation intermédiaire et non pas postérieure.
L’Avare(chapiteau tribunes Nord) L’Avare(tympan)
On pourrait noter aussi que d’autres oeuvres du Maître se trouvent dispersées, comme au milieu des tribunes Nord le chapiteau de l’Avare.
Ainsi que dans les tribunes Sud, celui avec un panneau d’entrelacs et une tête typique.
Le conclusion s’impose : les plus belles oeuvres et le tympan ne sont pas forcément plus tardifs. C’est la position contraire à celle de mon maître et ami Marcel Durliat qui, dans son livre sur la sculpture romane des routes de pèlerinage, a placé plus tôt le chapiteau de l’Avare comme « auvergnat » et traité les sculptures de Conques en englobant l’atelier de Bégon, mais en négligeant le tympan. Je verrais là une persistance de la vision ancienne pour laquelle c’est le plus récent qui est le plus beau : par exemple l’opinion de Francis Salet, longtemps le « pape » de l’archéologie médiévale, sur les chapiteaux du déambulatoire de Cluny : « trop beaux » pour être anciens.
Odolric et la précocité du plan de Conques
Je continue dans le même sens en me servant d’une pierre tombale que j’ai attribuée [2] à l’abbé Odolric, pour lequel on a une bulle d’indulgences à laquelle j’ai consacré un chapitre de ma thèse.
Nous nous situons dans le milieu du onzième siècle, et l’église a été commencée à l’Est. Pourtant, c’est vers le bout de la nef du côté Nord qu’on a inséré la plaque avec la croix pattée, traitée dans un style très primitif. Elle est entourée de blocs énormes qui aboutissent à l’angle Nord-Ouest de l’édifice.
J’y vois la preuve qu’on a avancé très tôt jusque là, et qu’on avait donc une vision d’ensemble de toute l’église. La place se trouvait ainsi réduite pour la façade, fixant des limites au portail et au tympan. Bien entendu, on n’avait donc pas besoin d’attendre la fin de la construction pour ajouter la sculpture.
Jacques Bousquet1er mai 2017
Références : [1] En particulier, Lei Huang,« Le maître du tympan de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques : état de la question et perspectives » (Etudes aveyronnaises 2014) [2] Jacques Bousquet, « La tombe présumée d’Odolric à Conques et le motif de la Croix cantonnée de boutons, Cahiers de Saint Michel de Cuxa », N°22, 1991)