On sait depuis les expériences de décomposition et de recomposition de la lumière par Isaac Newton que le blanc n’est pas une couleur, mais « la teinte obtenue en mélangeant la lumière de toutes les couleurs ». Pour le peintre le blanc est cependant une couleur car il trouve sa place sur sa palette. Si bien que selon que l’on considère la longueur d’onde ou le pigment, le statut du blanc varie. Dans la culture occidentale le blanc est associé à de nombreux concepts notamment dans le domaine du sacré. « Symboliquement, il s’oppose autant à la souillure, quelle qu’en soit la nature, matérielle ou morale, qu’au noir et aux autres couleurs. »
L’artiste est également un citoyen et n’ignore pas, dans les moments cruciaux de la vie publique, que l’usage du bulletin de vote, décrié par ceux qui ont oublié tous les êtres qui sont morts pour l’obtenir et tous ceux qui n’en disposent pas aujourd’hui, reste un moyen d’expression précieux..
Or le vote blanc est aujourd’hui au centre des controverses électorales. Au plan institutionnel ce vote blanc n’est toujours pas considéré comme un suffrage exprimé. Au regard de la loi, l’électeur qui par son vote blanc manifeste son insatisfaction à l’égard de l’offre politique ne compte pas.
Si bien que, en deçà du plan concernant les choix d’un contenu politique pour l’avenir d’un pays, c’est au plan institutionnel que disparaît avec ce vote blanc la précieuse parole du citoyen et pour tout dire son identité même. Pour tous ceux qui sont attachés notamment aux valeurs de l’art et de la culture en général, le silence du vote blanc laisse le champ libre à tous ceux qui attaquent ces valeurs.
Il ne faut pas chercher longtemps dans l’actualité pour trouver les symptômes des oppositions radicales à cette expression. Ces oppositions sont parfois curieusement le fait de certains qui s’expriment au nom de l’art. Les tentatives se multiplient, notamment dans le domaine de l’art contemporain, pour remettre en question ce qui fait la nature même de cette parole : l’ouverture d’esprit, la lutte contre les tabous, les interdits, bref la capacité de concevoir une pensée libératrice.
Les tentatives pour disqualifier voire réduire au silence cette parole sont autant d’atteintes à la création. La parole sur l’art, comme l’art, a besoin de cet oxygène : la liberté.
Plutôt que le vote blanc, le choix délibéré et responsable d’une volonté institutionnelle a priorité, me semble-t-il, sur les choix politiques. Il affirme une expression de toutes les couleurs, celles de la démocratie.