Par hasard je lève les yeux vers le couloir d’à côté, troublé de voir
À l’aube un homme nu résister à la mort
Un noir affluent mugir dans ses veines
Troublé, je balaie du regard le mur de pierre
Sur lequel se creusent deux rigoles de sang
Mon visage se déploie comme un arbre, un arbre grandi dans le feu
Tout est calme, seules bougent les pupilles derrière les paupières
Dans une direction que beaucoup redoutent
Et moi qui suis un poirier abattu
Dans mes cernes bruissent encore le vent, les cigales
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À ceux qui frappent à la porte, l’anneau de cuivre rappelle les gloires d’antan
Mes frères viendront boire l’ardeur qui emplit mon front
Leur faim, leur soif ressemblent à une plante d’intérieur
Entrouvrant les yeux j’entends le cliquetis métallique
Des couverts tombés des murs dans les assiettes des invités
Puis c’est un après-midi d’âpre discussion, révélant la souillure
Le langage est comme un tas de linge sale
Blessés, ils sont comme des bêtes toujours en quête d’abri
Si la silhouette de l’arbre est fendue par le soleil
Sa hauteur me confère la solennité nécessaire face au crépuscule
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Comme la racine échappant à toute contrainte
S’efforce de soulever le tréfonds de la montagne
Comme la fraise sauvage peu soucieuse d’eugénisme
Laisse vagabonder ses rejetons dans le marécage
J’ai passé bien des matins sermonné par les serviteurs
Ô vigneron sur le coteau, , le soleil s’incline vers toi
Je tends le bras vers l’intérieur, agrippe la chevelure de la racine vivifiée
Prêt à me noyer dans ton sang
Pour la peau de tes fruits, l’écorce de tes tiges
Aussi humble que le numéro inscrit sur le dos d’un condamné à mort
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Luo Fu (Chine, 1928) – Jentayu – Hors-série n°1 – Taïwan – Traduit du chinois (Taïwan) par Marie Laureillard