La voie, un ensemble complexe

Publié le 26 juin 2008 par Castella

L'augmentation de la vitesse commerciale sur ligne nouvelle ainsi que celle du trafic accélèrent la dégradation de l'infrastructure. Si la voie sur ballast n'a guère évolué dans son principe depuis l'invention du chemin de fer, elle reste mal connue.


Il y a urgence à intensifier les recherches sur la façon dont la voie, du rail aux diverses couches du sol, évolue au passage des trains. "Nous ne disposons pas encore du modèle suffisamment représentatif de l'infrastructure dont nous aurions besoin pour établir les lois de dégradation qui nous permettraient de prévoir l'apparition des défauts", reconnaît le directeur scientifique de la Recherche, Louis-Marie Cléon. Ce modèle doit être complet car les différentes couches qui constituent la voie s'appuient les unes sur les autres et interagissent entre elles. Le défi scientifique tient à la complexité de certaines couches. " " a été l'une des premières tentatives de modélisation globale. Mais sa limite réside dans la méthode de calcul, fondée sur une hypothèse de continuité : c'est vrai pour la couche d'assise, mais pas pour la couche intermédiaire et encore moins pour le ballast.

Depuis 5 ans, la Recherche concentre donc ses efforts sur le ballast. Cette couche de 30 cm de roches concassées et calibrées joue un rôle clé dans la géométrie de la voie, la sécurité et le confort des voyageurs.
L'objectif : parvenir à un calcul global de la couche via une modélisation granulaire (par éléments discrets) qui considère chaque grain de ballast comme une entité autonome. La Recherche s'est appuyée sur des travaux effectués sur des systèmes comparables : le déplacement des dunes de sable dans le désert, le déclenchement des avalanches... Ou, plus surprenant, le processus de fabrication de médicaments en gélules contenant divers principes actifs, qui ne se mélangent pas de façon homogène parce que leur granulométrie est différente.

La loi de frottement utilisée est la loi de Coulomb . Si on nomme RN et RT les composantes normales et tangentes de la réaction, le coefficient de frottement et UT la vitesse de glissement, on obtient : La discontinuité entre le non glissement et le glissement est difficile à traiter mathématiquement. La difficulté est du même ordre entre le non contact et le contact.

La modélisation du ballast en deux puis en trois dimensions a fait l'objet de la thèse de Gilles Saussine, doctorant à la Recherche SNCF, soutenue en novembre 2004 au LMGC (Laboratoire de mécanique et de génie civil) de Montpellier. Il fallait surmonter de nombreuses difficultés théoriques : définition physique des grains en 3D, recherche de leurs multiples points de contact, valeurs à prendre en compte pour les coefficients de frottement, modélisation et résolution d'un problèmes physique comportant à la fois des degrés de liberté très importants et des lois de contact et de frottement non régulières. Gilles Saussine est parvenu à les résoudre et a obtenu des résultats : certains confirmés par l'expérience et d'autres ouvrant des pistes pour la compréhension du phénomène de tassement en milieu granulaire.


Les résultats issus de ces méthodes de calcul granulaire ont montré qu'une pression sur le blochet* transmettait des chaînes de forces quasi verticales jusqu'à la sous-couche, comparables à un pieu soutenant une structure, sans véritable répartition des efforts dans l'ensemble du massif. Le tassement est guidé par des chemins de forces très localisés (voir " Le Ballast fait de la résistance


En parallèle, plusieurs laboratoires procèdent à des campagnes de validation. À Champs-sur-Marne, le Lami (Laboratoire d'analyse des matériaux et identification de l'École nationale des ponts et chaussées) travaille depuis une dizaine d'années sur le comportement "en fatigue" des voies. Il vient d'installer un nouveau banc d'essai de voie à l'échelle 1/3 pour étudier le comportement dynamique du ballast. Ce banc équipé de trois blochets - contre un seul pour le banc d'essai précédent - reproduit donc plus fidèlement les contraintes et déformations de la voie.


Un micron par cycle, quelques millimètres sur l'ensemble

Chaque passage de roue, représenté par l'interaction vérin/blochet, produit une accélération dans le massif de ballast. Après plusieurs milliers de cycles, le massif finit par subir un certain tassement résiduel, et le blochet ne reprend pas exactement sa position initiale. Ce tassement est très faible, de l'ordre d'un micron par cycle, donc de quelques millimètres sur l'ensemble des cycles. C'est pourtant considérable pour la maintenance de l'infrastructure ! Comme l'indique Denis Duhamel, responsable du programme au Lami : "Après un million de cycles, on constate que la raideur du massif de ballast a évolué. Ce que nous cherchons à déterminer, c'est la loi d'évolution du tassement et de la raideur associée." Une réponse apporterait des informations précieuses pour déclencher les opérations de maintenance : ni trop tôt - inutile donc coûteux -, ni trop tard - la sécurité et le confort pourraient en pâtir.