Mise en scène pitoyable de 15 jours qui s’achèvera dimanche avec le deuxième tour des élections présidentielles françaises.
Le tirage a laissé la place à un face-à-face entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Avec ce résultat se sont déversés des caricatures peut-être pires encore que celles qui avaient déjà été ressassées au cours des mois précédents.
S’y sont ajoutées les simagrées minables des différents partis et candidats éliminés de la course.
Le soir même du premier tour, il y a d’abord ce refus de se prononcer de Jean-Luc Mélenchon, cette façon de rester dans le vague et de ne pas valider les scores donnés sans expliquer pourquoi.
Probablement le Front de Gauche (ou France Insoumise, peu importe, tous les partis finissant par avoir deux noms ces derniers temps) attendait-il de savoir s’il arrivait bien quatrième et non troisième, de voir Fillon expulsé du trio gagnant. Il arrive bien que des scores puissent varient de 0.5% ou même plus entre les estimations de 20h et le lendemain.
Mais à défaut de l’exprimer clairement, certains militants se sont mis à fantasmer, à spéculer sur des manipulations…
L’autre honte, partagée avec Philippe Poutou et le NPA (ou LCR), c’est le fait de ne pas appeler à un vote clair, au moins un vote d’opposition. L’extrême gauche démontre ici son incapacité à se décider, ou plutôt l’égalité à laquelle elle positionne le fascisme et le capitalisme.
Et à défaut de décision explicite, on assiste notamment à une presque justification du choix FN par Raquel Garrido sur France 2.
Gesticulations pitoyables sur lesquelles Marine Le Pen s’empressera de sauter dans les jours suivants pour essayer d’attirer quelques électeurs révolutionnaires révoltés.
Dans ces mimiques débordantes du premier soir, il y a après le grand gagnant, Emmanuel Macron. Pendant que les chaînes d’information nous donnent à voir ce qui ressemble à une grande fête de bobos sortis d’HEC, costards de circonstance et sourires forcés, bondissements enfantins et cris de jouissance, Emmanuel Macron parade comme le nouveau président qu’il n’est pas encore.
Discours creux, il en fait trop dans la mise en scène, avec madame à ses côtés, et le même type d’exultation qu’il avait lorsqu’il beuglait le 10 décembre 2016 « Ce que je veux, c’est que vous, partout, vous alliez le faire gagner, parce que c’est notre projet !!! » avec des points d’exclamation en plus et des airs de Son Goku échappé de son dessin animé.
Ailleurs, François Fillon a la mine blafarde et les yeux encore plus cernés qu’à l’habitude sous ses buissons sourcilleux, Benoît Hamon tire encore plus sur ses traits d’écureuil hésitant. Tous les deux prennent la responsabilité de leur échec, appellent à voter Macron.
Leur échec, ils l’oublient un peu vite, c’est l’échec de leurs primaires (au même titre que la primaire d’EELV, qui n’aura servi à rien), qui auront été en grande partie des primaires contre : pour éloigner les deux petits nerveux, Manuel Valls et Nicolas Sarkozy.
Merci pour vos euros, le double chez LR (UMP) par rapport au PS (futur Les Démocrates ?). Ca a l’avantage de rembourser une partie des ratés de Sarkozy-Copé et les usages abusifs de Fillon.
Remarquons tout de même la fidélité de cette droite relativement traditionnelles, aux valeurs chrétiennes bien ancrées : « je ne vous demande pas de m’aimer, je vous demande de me soutenir ». Et ils l’ont fait à hauteur de presque 20%, petits polos Lacoste sur eux, et une larme à l’oeil en songeant à la dérive de Pénélope et aux tourments de leur Ulysse.
Peu ou pas de suspense, de révélation à venir de la part des deux candidats déchus, les médias s’en désintéressent (exception faite des costumes, cela va de soi).
Le premier mai au milieu, l’assassinat d’un policier 48h avant le premier tour font ressusciter Jean-Marie Le Pen, le temps d’une tirade malvenue où les obsessions de naguère du FN refont surface : plutôt que de souligner la race (avec un r roulant, n’est-ce pas, et des intonations poussiéreuses) du meurtrier, c’est la sexualité de la victime qui est mise en avant. C’est un pic, c’est un cap, et c’est donc sur le menhir lui-même que la fille de Polyphème vient se fracasser.
La célébration du premier mai a donc lieu en deux endroits séparés pour le père et la fille. Une façon de tenter d’affirmer que le FN a bel et bien un nouveau visage ? De ne pas souscrire aux affirmations du patriarche ? Ou de limiter les dégâts quand certains électeurs préfèreraient entendre plus d’insécurité, ou une répulsion tournée vers d’autres visages…
Bataille de stéréotypes, pendant qu’on crache sur la finance à visage humain chez les Le Pen, en face, Macron s’essaye au désherbant sur les racines du Front.
Bond de plus de 50 ans en arrière, pour stigmatiser les complices de ceux qui se voulaient assassins du Général de Gaulle !
Quelle actualité, alors que le tiers des électeurs au moins n’était pas encore né quand Charles au grand pif mourait (et près de la moitié de la population).
Un passage également pour Macron par le mémorial de la Shoah, avec tous les sous-entendus que cela comporte, rappel sans l’exprimer clairement du détail de l’histoire…
Bref, un jeu grotesque de pieds-de-nez qui peut-être culminera autour du débat télévisé de mercredi.
Dans le même temps, soulèvement populaire dans quelques lycées de France, au cri d’un ni-ni que résume assez bien Damien Saez avec sa nouvelle chanson « Premier mai », 15 ans après celle qui avait été composée pour le Chirac-Le Pen de 2002 « Fils de France ». C’est puéril et démontre une incompréhension (partagée par beaucoup, à juste titre) que, plutôt que de tenter de comprendre ou de résoudre, on se contente de crier. Sans suite.
Et, comme parfois en 2002, naît l’inquiétude de voir ce qui s’apparente finalement à un refus du système démocratique.
Près de 45% de votants qui ont exprimés leur choix ont été cons, voire sont des cons ? Et après ? C’est le système, ça ne sert à rien de leur mettre sous le nez, si ce n’est de renforcer un peu plus leur choix, ou de faire naître des vocations supplémentaires chez certains. Le refus s’exprime dans les urnes. Il s’exprimera après le vote, face aux décisions. Il n’a pas à s’exprimer entre les deux tours par des blocages ou manifestations portés par un idéal anti-système, anti-tout, mais pro-rien.
Dernière halte par les images proposées, comme je l’avais fait en pronostic de la chute du petit teigneux.
Variantes proche du zéro, plan un peu plus rapproché pour la seconde, la détermination laisse la place à un très léger sourire. Aucun espace pour respirer, les cheveux sont coupés, les épaules disparaissent derrière le cadre, le fond n’est plus humain ni naturel, le bleu envahit tout, avec un soupçon de lumière sur la droite.
Le « Ensemble » si chéri (tout devient possible ?), l’adjonction d’un point d’exclamation, et ce regard braqué de face, un peu plus bas. Il ne regarde plus vers le haut, il vous regarde vous, électeur, tente de se montrer un peu plus rassurant, un peu moins déterminé dans son aspect mais par les mots qui l’accompagnent. Bref, c’est vide, ça ne dit rien. Est-ce un appel à s’unir ? Ou bien un rappel que la France est un ensemble ? L’électeur est-il plus pris dans l’ensemble, ou dans la France ? La virgule entretient le doute.
Peu importe ce que vous y comprendrez, Emmanuel Macron sera d’accord avec vous, de toute façon.
Dans tous les cas, les publicitaires côté Macron ne se seront pas trop foulés, faisant dans le copier-coller avec deux pointes de modification.
Images à l’image de la campagne : pas beaucoup d’idées finalement, et beaucoup de remplissage.
Choix inverse ici, le cadre recule.
Dans le premier cas, assez malhabile, les traits sont tirés, le sourire vampirique un peu trop appuyé, le teint blafard rappelle l’ancienne fumeuse et ferait presque entendre la voix éraillée d’héritage familial.
Bleu encore une fois insistant, pour le fond ou les vêtements, pour le logo de la rose.
La première affiche mettait en avant « la France » et « ordre », choix de couleur traditionnel, mais qui convient également à cette idée d’ordre puisqu’il peut rappeler les forces de l’ordre.
Le col est scintillant, peut-être un clin d’oeil au souverainisme du FN, déjà mis en avant dans un clip de campagne il y a quelques semaines, au milieu des côtes bretonnes (ça évite d’avoir à montrer des croix celtiques, mais le GUD et assimilés comprennent aussi bien le message). Cela peut également être renforcé par le « Au nom du peuple ». Notez bien. Ce n’est pas pour ou par le peuple. Uniquement en son nom.
Petite parenthèse : le clip montrait également Richelieu dans un coin, le Richelieu d’Henri-Paul Motte, peint en 1881, celui du tableau Le cardinal de Richelieu au siège de La Rochelle.
Rappel historique, le siège de La Rochelle, qui dura plus d’un an entre 1627 et 1628, opposa les troupes de Louis XIII aux protestants de la ville soutenus par les Anglais. A la fin, avec à peine 20% de survivants, les Rochelais protestants se rendirent et durent se convertir. La symbolique de force et de religion est claire : l’opposant concerné aujourd’hui a simplement pour symbole un croissant…
Les réflexions autour de Richelieu et la réappropriation de ce face-à-face à la sauce FN ont d’ailleurs suscité une polémique avec la Fédération protestante de France.
Retour à la seconde affiche de campagne. Beaucoup l’ont noté, un choix très féminin, où la pose, le fait que déborde légèrement un jambe mettent en avant une forme de douceur, d’apaisement. Les couleurs ont été rehaussées, quelques traits du visage effacés, la bouche fermée.
Et puis surtout, il y a le bois. Le bois et la bibliothèque. Choix évident pour rappeler la majorité des photos présidentielles, particulièrement Nicolas Sarkozy si l’on prend en compte le choix du plan, drapeau européen jeté à la poubelle cela va de soi.
Enfin, le « Choisir la France » où la logique nous conduit, avec les deux premiers mots, à considérer que celle qu’il faut choisir, c’est justement celle qui figure sur la photo.
Le FN montre ici ses ambitions : quand Emmanuel Macron parade en président au soir du premier tour, Marine Le Pen figure en présidente sur son affiche.
Elle rappelle également qu’elle bénéficie de justement ce qui fait terriblement défaut à Macron : une tradition.
Là où il vend une simple image de mannequin bellâtre, jeune premier, elle propose une force, assez dure dans la première image, sorte de force tranquille dans la seconde, déjà couronnée.
Conclusion de tout ceci : relisez Alexandre Dumas.
A la fin, Richelieu, il perd – n’en déplaise à Milady.
Manque de bol, il n’y a pas les mousquetaires en face, et le score risque d’être élevé.