On connaissait Inna Modja pour sa brillante carrière de chanteuse et de comédienne, c’était sans compter sa facette de militante notamment auprès de la cause des droits des femmes. Par ce portrait, nous entamerons sur ce blog une série de reportages mettant en lumière de personnalités et des projets engagés à leur échelles, pour rappeler que toute implication personnelle vaut plus que des bonnes paroles.
Inna Modja, au Musée Dapper (Crédits photos: Alexandre Plateaux)
Malienne de naissance et très jeune confrontée au poids des traditions ancestrales dans une région où les rites de passage à l’âge adulte peuvent marquer l’intégrité d’une femme à jamais. À ce jour, des substituts sont mis en place pour remplacer le rite d’initiation de passage à la femme, qu’est l’excision dont un dernier rapport de l’UNICEF évalue cette pratique touchant 200 millions de femmes à travers le monde. Cause à laquelle chanteuse franco-malienne se mobilise, depuis 12 ans, et plus récemment à travers notamment son engagement comme intervenante auprès de l’ONU, qui considère cette mutilation génitale depuis 2012 comme une violation des droits fondamentaux des femmes et qui s’engage à la faire disparaître à horizon 2030.
Cette marque intime peut impliquer ultérieurement chez ces femmes une reconstruction physique, à l’aide de la chirurgie réparatrice, mais aussi psychologique, et c’est là toute la mobilisation d’Inna dans sa musique notamment au travers d’un projet alliant vidéo et photo, « Dans la peau de Marylore » montrant des personnalités avec des traces de coups sur le visage pour sensibiliser aux violences.
Son engagement citoyen se poursuit dans l’action en tant que marraine de la Maison des femmes, où elle participe mensuellement à des groupes de parole car selon elle, « c’est la honte qui enferme dans le silence » et n’hésite pas à mobiliser les bonnes âmes pour faire vivre ce centre venant en aide à toutes les femmes victimes de violences sexuelles, inauguré le 1er Juillet 2016, au sein de l’hôpital Léo Delafontaine à Saint-Denis (93) sous la houlette de la médecin-gynécologue Ghada Hatem-Gantzer et qui propose des consultations aux femmes victimes de viol, de mariages forcés, d’inceste, d’excision et autres mutilations sexuelles.
On retrouvera enfin Inna Modja, le 14 Juin 2017 prochain dans plus de 40 salles de France, à l’affiche du premier film du réalisateur Daouda Coulibaly, intitulé « Wulu », qui signifie « chien » en bambara pour marquer le côté chien errant du héros. Une oeuvre à la fois réaliste et engagée montrant l’impact des narcotrafics dans le déséquilibre actuel de toute l’Afrique de l’Ouest.
Après avoir fait 66 festivals dans le monde et un tournage dans des conditions géopolitiques compliquées au Mali ainsi qu’au Sénégal, le film « Wulu », ou le « Scarface » à la malienne, est une réalisation fort transparente de la situation de ce pays tiraillé entre un conflit récent et des tentations vers un trafic de drogues toujours plus croissant, où chaque scène iconographique ayant sa symbolique.
Pour les chiffres, 18 tonnes de cocaïne transitent par an par l’Afrique de l’Ouest pour une valeur de 1,25 milliards d’euros, et pour la petite histoire, toute une constellation se nourrit de ce trafic entre les miliciens d’Aqmi, les élites politiques et militaires mais aussi du monde des affaires puisque le nombre de sociétés « de pêche et d’importation de crevettes » dans cette région a été multiplié par 1000 depuis 10 ans, bouleversant naturellement les équilibres politiques régionaux dont ceux à l’origine des évènements en Mali de 2012 et ceux opposant deux groupes politiques en Guinée-Bissau, derrière lesquels se dissimule un contentieux entre deux cartels colombiens.
Cette action rejoint la démarche du « réalisateur Daouda qui se sert d’un film pour dire » selon le réalisateur Éric Névé, avec ce film très politique mais doté d’une qualité d’image de ces régions magnifiques.
Dernier disque paru « Motel Bamako » – Inna Modja, consultable: www.deezer.com/artist/261264
www.lamaisondesfemmes.fr
www.unifrance.org/film/40947/wulu