Une voix sort d’un haut-parleur. Elle dit : « je vois une personne qui fait ceci ou cela, qui est vêtue de telle ou telle façon… » D’abord on n’y prête pas garde, puis on se demande de qui parle cette voix. Une autre s’y joint, puis d’autres. Chacune propose son regard, un ton. On a vu les micros ouverts. On a compris qu’il se passe quelque chose, qu’il va se passer quelque chose. L’enfant qui vient d’être décrit traverse la place, l’homme qui porte un bébé se reconnaît dans les mots qui le présentent. Le public serait donc le sujet du spectacle. Ça change, et pourtant nous regardons celles et ceux qui parlent dans les micros. Certains s’éloignent pour éviter d’être montrés à tous, d’autres attendent que leur tour vienne. Et, comme c’est toujours le cas au théâtre, et même quand le théâtre est dans la rue ou sur une place publique, un cercle se forme, le vide au milieu est plein de notre attention, de nos attentes, de nos histoires. Nous avons besoin de cet espace pour nous regarder, nous écouter, nous comprendre, aller l'un vers l'autre, nous rencontrer, pour que la place soit au public, ici, au présent.
J'ai vu ce spectacle de paroles, proposé par le Collectif Bonheur Intérieur Brut, à l'occasion de Place libre, à Montreuil (93)