Qui se ressemble s’abstient !
J’ai piqué la formule à Raphael Einthoven, qui dans son excellente rubrique du matin sur
Europe 1 a expliqué en quoi le succès du #SansMoiLe7Mai auprès des
« Insoumis » de Jean-Luc Mélenchon n’était en fait que la
matérialisation de leur difficulté à admettre que fondamentalement leur projet
était à beaucoup d’égards (cf. ici) beaucoup plus
ressemblant de celui de Marine Le Pen que d’Emmanuel Macron.
Évidemment impossible à admettre pour des gens qui ont dans leurs gènes un
rejet viscéral de l’extrême-droite.
Quelqu’un qui ferait du mauvais esprit pourrait aller jusqu’à penser que,
sans l’avouer ni même peut-être se l’avouer, ils ne seraient pas mécontent
d’une victoire de Le Pen.
Après tout, cela signifierait qu’ils avaient raison, le « Peuple »
rejette le « Système » dont Macron est un pur produit. Et cela
contribuerait encore un peu plus à légitimer leur combat, « tout cela est
de votre faute, voyez nous sommes les seuls légitimes à combattre
l’extrême-droite ».
Car, de deux choses l’une, soit Macron passe sans leur aide et dans ce cas
ils pourront dire « voyez, nous, on a les mains propres, on est resté
fidèles à nos idéaux » soit c’est Le Pen et dans ce cas ça sera
« Vous n’avez pas plébiscité le Che Mélenchon, eh bien tant pis pour vous,
vous n’avez que ce que vous méritez ». Quelles qu’en soient les conséquences,
peu importe, ça n’est pas notre problème !
Une sorte de politique de la terre brulée de laquelle ils émergeraient pour
sauver la France du péril brun.
Au delà de ça, ce que signifie leur incapacité à faire un choix, ou plus
précisément ce choix délibéré de ne pas faire un choix, c’est, au mieux, la
mise sur le même plan de la représentante d’un parti d’extrême-droite, et d’un
social-démocrate qui, comble de l’horreur, ne remet en aucun cas en cause les
règles du capitalisme.
Cette position, car c’en est une, est très révélatrice d’un état d’esprit
parfaitement sectaire. En dehors des Insoumis et plus précisément de son leader
Massimo, pas de salut, tous se valent !
Dans ces conditions je refuse de me prononcer, advienne que pourra, tel
Ponce Pilate je m’en lave les mains. C’est oublier qu’en s’en lavant les mains,
Ponce Pilate savait qu’il laissait le Christ entre les mains de ses futurs
bourreaux.
Renvoyer les deux finalistes dos à dos, c’est ne pas vouloir hiérarchiser
leurs projets, ce qui est lourd de signification. On a parfaitement le droit de
penser que les projets portés par Macron et Le Pen se valent, même si c’est
quand même difficile à croire compte tenu des différences importantes entre les
deux, mais dans ce cas il faut le dire clairement, il faut assumer. Or, tous
ceux qui clament fièrement qu’ils ne vont pas voter le 5 mai, n’assument pas
cette position et se drapent dans leur dignité fière et insoumise avec des
propos souvent sous forme d'éructations du genre "je ne me laisserai pas dicter
ce que je dois faire par la mediacratie et tous les valets du capitalisme"
(vesion soft).
Notre mode d’élection majoritaire à deux tours, suppose qu’au second tour,
il n’en reste que deux. Et au second tour, on exprime sa préférence entre les
deux candidats restants puisqu’évidemment, tout le monde n’a pas son candidat
favori parmi les deux.
Ne pas aller voter au second tour sous prétexte que l’on n’est pas satisfait
du résultat du premier tour, est à la fois puéril et preuve d’une très faible
ouverture d’esprit et d’un sens des responsabilités pour le moins
équivalent.
Beaucoup d’Insoumis ont eu du mal à accepter le verdict des urnes du premier
tour, à commencer par Mélenchon lui-même. Cet appel à l’abstention, en dehors
même des propos quasi-injurieux (vis à vis de Macron évidemment) qui
l’accompagnent souvent, n’est que la confirmation de leur difficulté à accepter
les règles sinon l’esprit de notre démocratie sous prétexte qu'ils en
contestent le fonctionnement.
Or, tant que le Peuple français n’a pas fait le choix de modifier radicalement nos institutions et nos modes de scrutins, notre devoir de citoyen c’est de les respecter. Alors, votez Macron ou votez Le Pen mais votez, et assumez !