Manuel de sociologie anti-utilitariste appliquée
Philippe Chanial
Ed de la Découverte, 2008
Le don fait-il encore société ? Ou, du moins, contribue-t-il encore à
certains de ses ressorts essentiels ? Est-il toujours actuel ? En
apparence, non. Les sociétés anciennes se sont pensées dans le langage
du don mais nous, modernes, parlons un tout autre idiome, celui de
l’intérêt notamment. Peut-être nous arrive-t-il encore, dans l’intimité
et dans nos relations personnelles, de donner, mais il semble bien
illusoire, et surtout bien naïf, de considérer que le don serait
toujours au cœur de nos sociétés contemporaines et qu’il contribuerait
encore à nourrir liens, échanges et identités sociales. Faut-il alors,
comme y invite la sociologie aujourd’hui, l’abandonner au folklore des
anthropologues et aux spéculations des philosophes ?
Conçu comme
un manuel de sociologie anti-utilitariste résolument empirique et
appliquée, ce livre vise, au contraire de ces évidences partagées, à
rappeler, à l’épreuve des terrains les plus variés, que le système du
don – le donner-recevoir-rendre de M. Mauss – n’est aujourd’hui ni
mort, ni moribond mais bel et bien vivant pour qui sait voir. Plus
encore, il suggère que le don constitue, aujourd’hui comme hier, le
système même des relations sociales en tant qu’elles sont irréductibles
aux relations d’intérêt économique ou de pouvoir, aussi prégnantes
soient-elles. La sociologie a donc tout à gagner à porter sur les
phénomènes sociaux un regard neuf, à chausser d’autres lunettes que
celles qui se bornent, un peu paresseusement, à démasquer, toujours et
partout, l’intérêt et le pouvoir. Les lunettes du don.
Vus du don,
les champs classiques de la sociologique prennent un tout autre relief.
Qu’il s’agisse du monde du travail et des organisations, de la
sociabilité, familiale, amicale, amoureuse, des questions de genre et
d’identité, de la protection sociale et de la solidarité ; des
associations ou de la philanthropie ; du champ de la médecine et de la
santé ou encore de la religion, de l’art et de la science, chacune des
contributions ici réunies, rédigées par des spécialistes reconnus dans
ces différents domaines, démontre combien le paradigme du don ouvre la
voie à une intelligence inédite des phénomènes sociaux. Invitant le
sociologue à porter son regard sur ce qui circule entre les hommes (et
pas uniquement sur ce qu’ils prennent et accumulent), il donne à voir
cette délicate essence du social si chère à Marcel Mauss.
Philippe Chanial, secrétaire général de La Revue du MAUSS,
est maître de conférences en sociologie à l’université Paris
IX-Dauphine, où il codirige le CERSO (Centre d’études et de recherches
en sociologie des organisations).
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