Où il est question de la fin de campagne de premier tour d'une élection présidentielle au suspense inédit, du discrédit terminal de François Fillon, du danger Le Pen, des agitations publicitaires de Macron, de l'adieu de Hamon et de la placidité de Mélenchon avant l'orage final.
En toute subjectivité.
Tout est possible
Le candidat socialiste a fait une campagne tardive, ratée et impossible: les échecs électoraux, la fronde interne dès le début du mandat, le renoncement de Hollande en décembre puis la victoire des frondeurs à la primaire de fin janvier ont révélé combien le président Hollande n'avait plus de majorité politique réelle. Hamon en a payé l'addition. La trahison de Valls a fait le reste.
Jean-Luc Mélenchon a manqué de temps. Malgré une campagne démarrée très tôt, il a fallu attendre l'échec de la primaire socialiste pour qu'il rassemble enfin plus largement à gauche. Il a fallu que le Parti socialiste se disloque de l'intérieur après la victoire des frondeurs à la primaire, la désertion et la trahison de son aile droite, et l'affaissement de sa direction pour que certains, nombreux, rejoignent enfin le candidat de la France insoumise.
Emmanuel Macron a trouvé la campagne trop longue. Le lancement du produit Macron a pour l'instant brillamment réussi. Il faut dire que le costume est sur-mesure pour cet ancien comédien amateur et homme de réseaux. Comme toute campagne publicitaire, il faut qu'elle ait un terme rapide avant que que le consommateur ne teste trop le produit. Même s'il a dévoilé son "projeeeeeeet" très tardivement, ses réponses aux questions de plus en plus précises dévoilent la réalité d'un plan plus conservateur que l'affichage de campagne ne le prétend. Macron rassemble des effrayés et des perdus, sur un projet encore plus flou que celui de Hollande en 2012. Certains lendemains de fête seront terribles.
François Fillon a perdu son temps à cause de sa propre cupidité révélée au grand jour. Des semaines de révélations et de polémique ont dévoilé une facette indécente d'un personnage qui se drapait dans l'honneur, la rigueur et le courage pour emporter haut la main la primaire de droite en novembre dernier. Il n'en est rien. Fillon est d'une cupidité que l'on espère rare dans le monde politique - épouse salariée sur fond public pour des travaux soupçonnés fictifs; enfants étudiants salariés également sur fonds publics pour quelques multiples du SMIC, utilisation de Falcon de la République pour aller au ski au famille, cadeaux hors de prix et acceptés, missions de conseil surfacturées pour des entreprises privées au moment de son élection, etc. Les frontières éthiques de Fillon sont fragiles ou inexistantes. S'ajoute ensuite le mensonge. Car on ne compte plus combien de fois Fillon a menti pour se défendre dans cette cascade d'affaires.
Marine Le Pen, elle, a tenté de placer "l'islamisme radical" et la peur qu'il suscite au centre de la campagne, avec des propositions outrancières, débiles, contre-productives. Par une coïncidence dramatique, c'est justement en fin de campagne qu'une tentative d'attentat puis un attentat secouent le pays. Quel impact sur l'élection ? Les sondeurs sondent, mais trop tard. Les commentateurs glosent, et fatiguent. On verra dimanche.
Trop tard.
Le niveau d'indécision, et donc sans doute d'abstention, est ainsi le plus élevé que l'on ait connu dans une élection présidentielle sous la Vème République. Et c'est le signe qu'aucun candidat n'est parvenu à rassembler aussi largement que dans le passé.
Les idiots utiles du djihadisme
Depuis lundi, la candidate de Montretout tente de multiplier les outrances pour agiter les peurs et la haine. Lundi au Zénith de Paris, elle balance cette promesse improbable bâtie sur des mensonges: "Avec moi, il n’y aurait pas eu les terroristes migrants du Bataclan, ni Merah le tueur de militaires et d’enfants juifs." On a beau lui répéter que seuls 2 terroristes sur 22 se sont faits passer pour des migrants, que Mohamed Merah était français, rien n'y fait.
Mercredi, quand est révélé que deux apprentis terroristes sont arrêtés avant de commettre un attentat contre on ne sait quel candidat, elle et ses sbires déroulent leur nouvelle salve de mesures sécuritaires aussi stupides que dangereuses. Son programme contre le terrorisme n'est pas seulement dangereux mais aussi et surtout complètement crétin. La mesure qu'elle répète et braille en cette fin de campagne - expulser tous les "Fichés S" étrangers et enfermer les autres au motif d'intelligence avec l'ennemi - est une aberration pour les services de renseignement: expulser ces gens surveillés pour comprendre, détecter, débusquer reviendrait à se priver d'une source essentielle de prévention du terrorisme. Sa seconde mesure est la fermeture des frontières, alors que celles-ci le sont déjà. La troisième est d'expulser tous les délinquants et criminels étrangers, oubliant, là encore, que le fondamentalisme islamiste et ses succursales terroristes recrutent des Français. Sa quatrième et dernière proposition, enfin, est la déchéance de nationalité pour les binationaux, une mesure ridicule, inefficace et honteuse.
Vendredi, elle déraille: "depuis dix ans, sous les gouvernements de droite et de gauche, tout a été fait pour que nous la perdions."
Les loups solitaires de Daech veulent exciter la haine du musulman et perturber l'élection. Ces deux idiots plongent avec délectation dans le piège.
Le moment Mélenchon
Des cinq candidats principaux, deux n'ont ainsi cessé de prêcher que du sang et des larmes; d'agiter la peur de l'étranger ou de la dette; de promettre des purges au nom de l'intérêt général. Marine Le Pen a incarné sans surprise la version xénophobe assumée et irresponsable de cette campagne négative; François Fillon fut son alter-ego ultra-conservateur. Un second tour Fillon/Le Pen méritera l'abstention puis la résistance.
Face à ces deux candidats négatifs, trois candidats ont développé un discours au contraire positif.
Hamon aurait pu être un héros, et se désister dans les derniers jours au profit de son rival et ami désormais loin devant. Il n'en fut rien. Mélenchon a permis la victoire de Hollande en 2012, il n'était pas le seul. Hamon pourrait faire perdre Mélenchon en 2017, il restera seul.
Reste Mélenchon, donc. Le troisième devenu second, et qui mérite la première place de ce trio des candidats positifs. Le plus convaincant pour décrire un avenir écologiste, social, apaisé, bref meilleur. Le seul à détailler les conditions d'une démocratie renouvelée. Il incarne une force tranquille et authentique qui manque aux autres. Comme Hamon, il explique davantage le monde qu'il ne le fustige. Mais est-ce que cette élection fut à la hauteur d'un tel débat ?
Non.
Maintenant qu'il convainc plus largement, les attaques sont plus rudes. Une large fraction des éditocrates, appuyés par Macron, ont tenté de le dépeindre en fan gaga de Chavez (mort il y a 4 ans), ce fut ridicule et rapidement dépassé. D'autres l'ont décrit comme un soutien aveuglé de Poutine. Tout aussi ridicule. Que dire de Macron qui explique, à juste titre, qu'une solution pacifique dans le bourbier syrien passe par un dialogue avec le boucher Assad ? Mélenchon ne fait rien d'autre que de la real-politik, et pour un seul objectif, la paix. Accepter de négocier avec Poutine serait-il moins noble que de se faire soutenir par l'Arabie Saoudite, le Qatar ou l'administration Trump ? On l'a ensuite traité d'autoritaire, voire de totalitaire, alors qu'il est le seul à promettre une assemblée constituante, la VIème République et la fin du présidentialisme monarchique. Cherchez l'erreur...
Mélenchon n'a pas cédé à ces outrances. Il a maintenu ses meetings géants démultipliés par hologramme et ses vidéos pédagogiques et sans agence de communication.
Ami(e) citoyen(ne), le vote, c'est maintenant !
Et que reviennent les jours heureux.