Quelques semaines, quelques jours, quelques heures... Dans cette campagne si bruyante j'ai jusqu'ici choisi de me taire. Et puis hier, en passant un moment à Sciences Po à deviser de laïcité, de France et de République avec Jean-Louis Bianco et quelques étudiants, voici que le Président de l'Observatoire de la Laïcité sort un petit livre et nous lit quelques extraits d'un discours de François Mitterrand. Un texte vieux de 30 ans.
Ceux qui me connaissent savent que j'ai accueilli la proposition d'un sourire peut-être un peu narquois, tant je n'ai guère d'amitié pour "Tonton". Mais j'ai tout de même écouté, d'une oreille distraite... Et c'est ainsi que surpris, je vous livre ce soir à mon tour ces quelques mots.
"Nous sommes français, nos ancêtres les gaulois, un peu romains, un peu germains, un peu juifs, un peu italiens, un petit peu espagnols, de plus en plus portugais, peut-être qui sait polonais, et je me demande si déjà nous ne sommes pas un peu arabes ? ...
Ayant compris cela, je suis sorti de ma province et je souhaite qu'à travers les générations, les Français qui viendront après moi, fiers quand même de ce qu'ont été ceux d'avant, considèrent que ceux d'après, ceux du siècle prochain seront plus forts, seront plus riches de culture, seront des Français plus proches de l'universel et donc de la compréhension des affaires du monde, s'ils savent admettre et comprendre les autres cultures pour en faire aussi leur propre culture.
Cela se lie à des choix politiques en certaines circonstances. Je voudrais bien que ces choix politiques n'altèrent pas ce type de débat, et que puissent siéger dans des assemblées comme celle-ci, des femmes et des hommes dont les conceptions de politique intérieure sont diverses, mais qui sauraient s'allier pour refuser tous les appels de l'inconscient ou de je ne sais quel subconscient mal réglé ou mal dirigé. Qui seraient capables de choisir l'unité de la France à construire plutôt que le regret vain, parfois inintelligent, le refus de vivre dans son temps, ou le rêve de je ne sais quel âge d'or qui n'a jamais existé.
Savoir que si âge d'or il y a jamais, c'est celui que nous construirons, celui que vous saurez construire [...] Celui que nous construirons, avec les autres et par les autres, pour être davantage encore ce que nous sommes."
Faites en bon usage, débattez-en. Mais au demeurant, ne perdez pas de vue que dans un débat il ne faut jamais conclure que toutes les idées se valent, que tous les projets se défendent. Dans une démocratie nous avons besoin de discerner les opinions qui permettent de servir le bien commun de celles qui malgré leur attrait divisent, isolent et détruisent jusqu'à la vie sociale même.
Extraits d'une allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion du colloque sur "la pluralité des cultures" organisé par la Fondation "France-Libertés" à La Sorbonne, Paris, lundi 18 mai 1987. (texte intégral)