Ce qui est bien avec les
français, c’est qu’à chaque fois qu’ils élisent un Président de la République,
ils sont déçus par son action sous prétexte qu’elle ne correspond pas à ce qui
leur avait été promis.
Résultat, à chaque élection intermédiaire, ils votent pour l’opposition, et
à l’échéance, renvoie le menteur doublé d’un incapable dans ses foyers. Les
seuls cas où celui-ci a été reconduit correspondent à des situations de
cohabitation qui lui ont permis de se désolidariser du bilan
gouvernemental.
Les causes de cette déception sont nombreuses, à commencer par les grandes
promesses d’un proche avenir radieux que chaque candidat se croit obligé de
faire.
C’est d’ailleurs extraordinaire comme tous ces impétrants ont des tas
d’idées merveilleuses pendant les 6 mois qui précèdent la Présidentielle et qui
s’avèrent beaucoup moins merveilleuses après.
Les politiques ont trop peur d’être considérés comme inutiles s’ils ne
prétendent pas qu’avec une bonne volonté politique on règle tous les problèmes
de la France voire du monde, en trois coups de cuillère à pot. Et ce, sans
fâcher personne et sans effort de quiconque, sauf évidemment, des « nantis
», des fraudeurs voire du grand capital et des banquiers. Pour se mettre à la
portée de leurs électeurs, ils gomment la complexité du monde qui nous entoure
et les contraintes auxquels nous sommes soumis.
Ce qui est également extraordinaire, c’est cette incapacité qu’ont les
citoyens à aller plus loin que la surface des choses. Cette incapacité à
utiliser à la fois le cœur et la raison pour juger un(e) candidat(e) et ses
propositions. Ou dit autrement, cette capacité à fermer les yeux et l’esprit
pour ne pas voir ou croire ce que l’on n’a pas envie de voir ou croire. On
préfère choisir un candidat qui nous vend du rêve même s’il ne dit rien de
sérieux sur la manière de le réaliser.
On cherche le candidat idéal, le magicien, qui va réussir là où tout le
monde à échoué, sans penser que du magicien à l’illusionniste il n’y a pas
loin !
A choisir sur les seuls critères émotionnels, on s’expose à coup sûr à de
grosses déceptions.
Cette élection présidentielle semble marquer une apothéose en la
matière.
Comment, sinon, expliquer que plus de 50 % des français annoncent leur
intention de voter pour un candidat dont le projet à la si belle apparence,
n’est bâti que sur du vent et un programme économique parfaitement incohérent
sinon dangereux.
Comment expliquer que tant de citoyens se laissent abuser par une méthode
pourtant parfaitement connue depuis que le populisme existe.
On s’appuie sur une indignation souvent justifiée pour entretenir une
critique systématique et sans nuance du « Système », terme suffisamment
vague pour que chacun puisse y mettre tout ce qu’il rejette. Sur cette base, on
proclame de belles idées présentées comme des évidences, sous le mode
« les solutions sont pourtant à portée de main, si elles ne sont pas mises
en œuvre c’est qu’elles dérangent les intérêts des puissants ».
On profite de ces indignations pour nourrir les esprits de pseudo-solutions
nécessairement bonnes puisque le « Système » les rejette. Ainsi, à
partir d’un constat largement excessif, sans nuances et donc en grande partie
injuste, « Ils ont tous faillis », on tente de crédibiliser n’importe
quelle alternative, aussi incohérente soit-elle.
Pire encore, on abuse des bons sentiments de beaucoup de citoyens qui n’ont
pas nécessairement les clés pour se déterminer sur des sujets économiques
complexes, pour les amener dans des politiques qui ont faillis partout
ailleurs.
Enfin, summum de l’habilité, on fait croire à ces même citoyens, que ce sont
leurs choix que l’on ne fait que traduire scrupuleusement en bon et modeste
porte-parole.
Disons-le une bonne fois pour toute, le candidat magicien n’existe pas, les
solutions simples et sans douleur n’existent pas, et méfions-nous de ceux qui
veulent faire table rase de l’existant pour le remplacer, dans un grand soir
merveilleux, par un nouveau monde radieux et populaire. Ceux-là ne cherchent
qu’à nous imposer leur vision manichéenne et simplifiée de la société et de
notre monde, ceux-là ne sont que des bonimenteurs.
Toute ressemblance avec des candidats en lice n’est évidemment pas du tout fortuite.