On y croirait !
La légende du ruban dit : "Le meilleur chanteur de tango de sa génération revient vingt ans après"
Il y joue le rôle, parodique et satyrique, d'un chanteur de tango, Mario Cárdenas, qui aurait eu son heure de gloire dans les années 1970, aurait connu les projecteurs d'un studio de télévision public, dans une émission intitulée Nuevos Valores (1), aurait été applaudi par des milliers de spectateurs pendant le carnaval de 1974 (l'année du retour au pouvoir de Perón), aurait su cette lancée entamé une tournée de plus d'un an dans tout le Nouveau Monde (allusion à Carlos Gardel), en compagnie d'un certain Carlo García (le Maestro Carlos García, l'un des artistes du célèbre documentaire historico-nostalgique Café de los Maestros), puis il aurait connu l'exil en France (pendant la dictature militaire), où il aurait été très ami avec le romancier exilé Julio Cortázar (2) avant de rentrer en Argentine en 1991 (au début de la présidence de si mauvaise mémoire de Carlos Menem), dans l'anonymat. Il est censé tenter son retour aujourd'hui, à Buenos Aires. La communication du spectacle joue à fond la vraisemblance et le ton journalistique, au point qu'elle peut faire croire à un public naïf ou mal informé qu'il s'agit véritablement du retour d'une ancienne vedette...
Avec la même légende sous le sigle, avec une typographie très années 70
Il y a une dizaine d'années, Luis Longhi avait déjà inventé un personnage crédible au CCC Floreal Gorini. Il s'agissait des conférences du professeur Rataplán. Le coordinateur de la Ciudad del Tango du CCC m'en avait montré un enregistrement filmé chez lui. J'en étais morte de rire. Walter Alegre m'avait expliqué alors que certaines personnes venaient au spectacle croyant se rendre à une authentique conférence d'un honorable universitaire et mettaient un temps certain à comprendre qu'il s'agissait d'un pastiche. L'artiste reprend ici la même démarche...
Photo Colo Nachman pour le spectacle
Admirez les mimiques au micro et la dégaine, avec ce dos voûté par l'âge
Sur la scène de Pista Urbana, Mario Cárdenas, prenons-le au mot, chante et joue du bandonéon comme le regretté Rubén Juárez. Il est accompagné au piano par son ami de toujours, le Maestro Victor Simón (oui, celui-là même que vous connaissez grâce aux récitals de Jacqueline Sigaut) !
La Nación a donné la parole à Luis Longhi, qui parle dans son interview comme s'il était l'agent de Mario Cárdenas Le spectacle dispose de sa page Facebook On peut également lire la présentation du spectacle sur le site Internet de Pista Urbana, qui dispose elle aussi d'une page Facebook.
(1) Allusion, transparente pour un Argentin, à l'émission culte de ces années-là, Grandes Valores del Tango, qui a couronné Roberto Goyeneche, surnommé El Polaco, et révélé une grande vedette aujourd'hui, Guillermo Fernández, alors qu'il était encore qu'un petit garçon, déguisé en smoking comme un grand. (2) Cortázar a effectivement été très lié à de nombreux artistes de tango exilés à Paris pendant la dictature et il a écrit pour eux quelques textes de chanson. Il fut ainsi un ami de Susana Rinaldi, chanteuse dont le parcours n'est pas sans rappeler la carrière fictive de notre Mario Cárdenas. Cortázar est un héros de la gauche intellectuelle argentine, un castriste de la grande époque, lorsque le mythe de Fidel ne souffrait encore d'aucune critique dans la gauche sud-américaine.