La couleur d'Ariane, par sa grand-maman Diane
Les couleurs de l'autisme est une initiative pour faire connaître et briller les différentes couleurs, toutes uniques, de l'autisme, pendant le mois d'avril. Voici la couleur d'Ariane, écrite par sa grand-maman Diane.
La couleur de l’autisme d’Ariane, décrit par sa grand-maman DianeLa première fois que ma fille m’a parlé d’autisme, je n’ai pas compris. Le petit-fils d’une amie avait reçu un diagnostic d’autisme quelques années plus tôt. Je ne voyais pas réellement de similitude entre lui et ma petite Ariane. Mon mari était encore plus incrédule que moi. Mes filles, qui sont si proches, se sont disputées, car ma cadette ne croyait pas mon ainée! Ma grande, elle est comme ça. Quand elle est convaincue de quelque chose, elle fonce. C’est ma tornade. Tassez-vous, elle passe ! Les années l’ont assagie un peu, mais à ce moment-là, elle fonçait droit devant. Le mur, elle allait rentrer dedans jusqu’à ce qu’il tombe. La course contre la montreElle a tellement foncé que je l’ai perdue de vue pendant deux ans. Elle m’appelait, on se voyait, je gardais son fils, mais elle n’était plus la même. Elle avait le regard triste et fatigué, elle ne riait plus comme avant. Elle renonçait à tout et focalisait sur sa fille. Elle m’envoyait de la documentation sur l’autisme, mais je ne comprenais pas grand-chose. Je voyais qu’elle faisait de la recherche et qu’elle s’épuisait à le faire. Quand je lui faisais remarquer que c’était beaucoup, elle se braquait en me demandant : «Tu veux que je fasse quoi? Attendre qu’ils se décident à m’appeler pour l’investigation? Ce ne sera pas avant un an, un an demi! Le temps joue contreAriane! Je n’ai pas le choix de faire des recherches, maman!»
Certaines nuits, je ne dormais pas. Je pensais à ma fille, à ma petite fille, à mon gendre, mon petit-fils et je me demandais qu’est-ce qu’ils allaient faire si Nadia avait raison! Mon mari ne s’en faisait pas trop avec ça, il se disait qu’elle allait débloquer la petite. Ma plus jeune me disait que chaque enfant va à son rythme, mais je voyais bien que cette enfant-là avait un retard de développement, qu’elle ne jouait avec les jeux comme les autres enfants. Elle nous ignorait complètement ou faisait d’énormes crises quand on l’approchait. Quand j’ai assisté à sa première crise, j’ai figé. Ce n’était pas normal ça. Un enfant de deux ans ne fait pas une crise aussi intense que ça. Elle était complètement inerte par la suite. On aurait dit un enfant très malade et fiévreux! Ma fille m’expliqua qu’après les crises, c’était toujours comme ça! Elle avait le regard vide. Ça m’a arraché le cœur. C’est là que j’ai compris que ma grande avait peut-être raison. Plus je lisais ce qu’elle m’envoyait, plus je me disais que ça se pouvait qu’elle soit autiste la petite.
Une vie briséeJ’étais là quand elle a eu son diagnostic d’autisme modéré à sévère. Le soir, j’ai pleuré de rage et de peine. Pas pour ma petite fille. J’ai pleuré pour ma fille. Comment elle allait faire? Je savais bien que sa vie allait se résumer à s’occuper de sa fille. Mon gendre allait-il supporter ça? Mon petit-fils, qui a un an de différence avec sa sœur, comment allait-il vivre tout ça? Je trouvais ça tellement injuste!Je peux le dire, car elle le sait: nous avons tous cru que Nadia ne s’en sortirait pas. Elle n’avait pas le tempérament pour ça. Quand Ariane avait trois ans, on s’attendait à ce que notre gendre nous appelle pour nous dire qu’elle était partie. Lui travaillait beaucoup, elle devait gérer des crises, ramasser les excréments que la petite répandait partout et elle ne dormait pas plus de 4 heures de suite. Elle allait tomber quelque part! Nous lui donnions du temps le plus possible, mais nous sommes âgés.Je ne comprendrai jamais comment elle a fait pour gérer sa peine et tout ça en même temps. Je m’attendais à ce qu’elle nous appelle et nous dise qu’elle n’en pouvait plus, de prendre Ariane pour un temps, mais non. Nous avons gardé Justin durant les périodes très difficiles qu’elle vivait avec Ariane, car elle voulait protéger l’enfance de son fils. Elle ne voulait pas que Justin subisse, qu’il assiste aux moments difficiles de sa sœur.Le bonheur au détriment de celui des parentsLa vie n’est pas plus rose pour elle maintenant, mais la période des deux à quatre ans d’Ariane fût la pire. Pour nous, comme pour elle.Nadia comprend mieux Ariane maintenant, mais la petite demande beaucoup. Principalement de sa mère. Mon gendre est un excellent père, mais lui aussi le dit, la petite accapare beaucoup sa mère. Nous nous ennuyons tous de Nadia, mais il y a Ariane… Cette semaine, quand j’ai appris à Nadia que son père allait devoir être réopéré, je l’ai sentie secouée, car elle sait que, dans ces moments-là, elle ne peut pas compter sur nous. Son père et moi avions encore sa voix dans notre tête lors de son entrevue avec Paul Arcand où elle a parlé de nous et qu’elle s’est mise à pleurer. Nous savions que cette annonce ne la rassurerait pas. Elle a encaissé la nouvelle, mais nous ne voudrions pas lui faire vivre ça, car elle en vit déjà beaucoup.Nadia a déjà écrit un texte dans lequel elle disait qu’elle avait peur du jour où elle allait mourir, car elle allait partir en étant inquiète pour sa fille. Je ne suis pas inquiète pour ma petite-fille, car tant que sa mère et son père seront là, ma petite-fille sera bien et heureuse. Ce qui me rend triste, c’est que le bonheur de la petite se fait au détriment de celui de ses parents!
Je sais que ma fille et mon gendre renoncent à tout ce qu’ils aiment pour leur fille.
Ce n’est pas l’autisme de la petite que nous n’acceptons pas! Ce que je n’accepterai jamais, ce sont les embûches qu’ils ont dû surmonter et qu’ils surmontent encore. Les sacrifices d’une mère, d’un père, devraient-ils être si grands, alors qu’ils donnent autant?J’espère voir des changements de mon vivant …
Diane C. Lévesque, la grand-maman d’Ariane
Et vous, quelle est votre couleur?
- Pour ne plus manquez aucun texte de Nadia Lévesque, suivez son blogue
- Pour en apprendre plus sur notre projet, lisez ceci
- Pour ne rien manquer, recherchez le hastag #30couleurs
- Pour nous contacter, écrivez-nous à: [email protected]
Nous remercions Valérie Bouchard, deMinimo motivation ludique, pour le logo et Dominique Gingras pour la révision linguistique