Il y a des ouvrages qui vous font prendre conscience de la chance et de la liberté que vous avez. Celui qui va vers elle ne revient pas illustre à merveille ce type de roman.
Shulem Deen a eu la (mal)chance de naître au sein de la communauté skver. Cette dernière est considérée par les fanatiques du judaïsme comme trop extrême... Du coup, on a de quoi trembler.
Cette communauté est issue des premiers Juifs hassidiques. Ils vivent reclus et suivent à la lettre les préceptes de la Torah et du Talmud. Et surtout, il ne faut pas remettre le moindre de ces préceptes en question. On obéit bêtement, sans broncher.
Sans entrer dans les détails, on peut déjà dire que ce genre de vie ne fait pas rêver. Surtout quand on a été éduqué de manière à toujours tout remettre en question, à penser par soi-même pour se construire et tracer notre propre route.
Des choses que Shulem Deen a expérimenté malgré lui. Vilain petit canard de sa communauté, il s'est toujours senti un peu à part et s'est laissé gagner par sa curiosité, ses
questionnements.Malgré cela, il a tenté d'obéir et de rentrer dans le moule. C'est ce que nous conte la première partie de ce roman autobiographique. Marié à 18 ans avec une jeune femme qu'il ne connaissait que de nom mais que sa communauté a approuvé, il mène une vie austère en suivant la moindre règles imposée par les skvers.
Petit à petit, on suit ses doutes et ses questionnements. On le voit imploser dans ce carcan qu'il ne supporte plus. Dans cette vie qui a été imposée alors qu'il aspire à autre chose. Renoncer à cette croyance aveugle n'est pas si évident. Shulem Deen exprime avec justesse et simplicité ce long combat (parfois douloureux) contre lui-même. A sa manière, il a vu un point lumineux au loin et à décider d'aller vers lui et de voir où ça le mènerait, même si les conséquences allaient en être radicales.
Il se retrouve exclu pour hérésie (chose que l'on sait dès les premières pages). Il doit donc se reconstruire dans un monde qu'il lui est totalement inconnu. Il doit avancer en sachant qu'il ne reverrai jamais ses enfants et sa femme. Dans une deuxième partie, c'est cette émancipation, cette découverte que l'auteur nous propose de découvrir.
Le récit est poignant, la réflexion sous-jacente sur l'identité, la construction de son propre être, est captivante. On dévore le pages sans réellement en prendre conscience. On suit la moindre étape de son parcours initiatique avec intérêt et curiosité. On se demande parfois s'il regrette, s'il n'aurait pas mieux fait de se taire et de poursuivre cette vie sans surprise. Et rapidement, le besoin de liberté, le bonheur de vivre réellement nous gagne à nouveau et nous pousse à soutenir cet homme dans ce parcours chaotique.
Un roman à mettre entre toutes les mains ! Un courage à saluer !
Celui qui va vers elle ne revient pas de Shulem Deen
Editions Globe
Déjà disponible en librairies
412 pages
22€