Les couleurs de l'autisme est une initiative pour faire connaître et briller les différentes couleurs, toutes uniques, de l'autisme, pendant le mois d'avril. Voici la couleur de Manon, maman de Thomas et Amélie.
Un équilibre fragile
Ma première pensée, c'est que les couleurs de l'autisme sont aussi belles que l'automne avec ces beaux coloris, un temps agréable ni chaud, ni froid, un soleil doux, une brise cajoleuse et riante. L'autisme est aussi beau que cette image d'automne, quand on accepte de lui laisser sa place! Bien sûr, il y a des orages, nous en sommes souvent ses victimes et parfois, des opportunistes qui en profiteront pour refaire le plein d'énergie! Quand on est en famille, sans stress extérieur, dans un environnement qui respecte mes enfants comme ils sont, ces belles couleurs de l'autisme, je les vois et m'en nourris !Une dynamique familiale fragilisée par la différenceMalheureusement, il y a tant d'obstacles pour en arriver là et même quand on y est, cet équilibre est si fragile que je n'ose y penser de peur qu’il m’échappe. Parce que «la notion du village» disparaît quand se pointe la différence, l’équilibre repose donc principalement sur mes épaules, ce qui augmente sa fragilité.
"Pour qu'un enfant grandisse, il faut tout un village." - Proverbe africainSi je vis bien avec l'autisme de haut-niveau de mon fils Thomas, parce que cet enfant me ressemble. Mon garçon fonctionne bien et sera autonome. Toutefois, l'autisme de ma fille Amélie est éprouvant, inquiétant et ce, tant pour elle, que son entourage. Ma fille vit beaucoup de souffrances en lien avec son trouble. Son avenir sans nous ses parents est plus qu'incertain. Cela ne veut pas dire que ce soit plus facile pour Thomas. Il a aussi de nombreux défis, mais je suis capable de l'accompagner, de l'outiller, de l'aider et il évolue bien parmi les autres.Quand notre fille ne cadre dans aucun programmePour Amélie, c'est une autre histoire. Dès ses cinq mois, j'étais incapable de lui procurer la sécurité dont elle avait besoin. Tout lui faisait peur, elle ne comprenait pas son environnement, rien n'avait de sens pour elle, tout l'agressait, elle était donc en état de crises 20 heures sur 24. Comment l'aider, je ne savais pas. Aucun des professionnels rencontrés ne semblaient pas le savoir non plus. Et tous se contredisaient. De l'aide, j'en ai cherchée, j'en ai trouvée, mais quand il faut entrer dans une série de cases à cocher sur de beaux formulaires pour y avoir accès, cela s'arrête là. Ma cocotte ne cadre dans aucun programme. Elle est autiste, mais elle n'a pas de déficience. Elle est aussi non-verbale et atteinte de dysphasie, de dyslexie et de dysorthographie. Et ce sont ses difficultés de langage, de lecture et d'écriture qui la handicapent le plus, car, injustement, elle n'a jamais eu accès aux services d'orthophonie parce qu'elle est autiste.
L’autisme : un «job» à temps pleinL'accessibilité aux services est ce qu'il y a de plus lourd à porter, plus que l'autisme lui-même. Là où il devrait y avoir soulagement, aide et compréhension, s'installent stress, travail, épuisement, désespoir… C'est un «job» à temps plein de recherches, de paperasses, d'appels, de portes à ouvrir, de professionnels à courir et surtout de déceptions et de frustrations sans fin parce qu'au final, on aura perdu toutes ces énergies pour presque rien.Donc, jusqu'à ce que j'en arrive à me faire assez confiance pour refuser l'aide qui ne nous convenait pas, pour choisir mes batailles, pour accepter que «JE» me devais de tout prendre en main, nous étions en état de survie. Au dessus de nous se trouvait un ciel noir qui, par moment, devenait gris mais n'atteignait que trop rarement le bleu. Un état qui a duré 8 ans où la souffrance nous faisait même oublier les belles couleurs que peut revêtir l'autisme.
Des services de moins en moins présentsNous avons été abandonnés par le système. Plus les enfants grandissent, moins il y a de services, même au privé. La fatigue, l'essoufflement se font sentir de plus en plus. Nous vieillissons, mais la charge de travail, elle, ne diminue pas.
Comme je suis le pilier, je ne dois pas tomber. Quand je dis que ça va bien, c'est parce que je suis là, toujours fidèle au poste et parce que j'ai ramé et rame encore. Une seule brique de cet environnement sécurisant autour de nous s'effrite et l'équilibre s'effondre. Ma santé mentale et physique, que je calcule en énergie, c'est ce qui devient à long terme le plus inquiétant parce qu'elles sont toutes les deux affectées.
À cause de la fatigue, de l'attente d’une aide qui ne vient jamais, des batailles obligatoires (avec la commission scolaire et le gouvernement entre autres) et de l'isolement, il devient si difficile de planifier quoi que ce soit pour moi, pour les enfants, pour la famille. Il y a tant de tant qui repose toujours sur mes épaules. Au moindre imprévu, tout tombe à l'eau…
Apprendre à demander de l’aide pour survivreC'est triste à dire, mais cela va mieux depuis que je suis séparée. Mon ex-conjoint devient d'année en année davantage disponible pour les enfants. Cela me permet d'avoir du temps pour moi, mais il faut toujours que je planifie tout à l'avance et que je prévois l'imprévisible. Il faut aussi que je demande, car l'offre ne viendra pas. Mais, de plus en plus, j'apprends à demander, c’est une question de survie. Si je ne prends pas soin de moi, je ne peux plus m'occuper des enfants maintenant devenus des ados.
Thomas a maintenant quinze ans et a tellement d'idées que je le vois inventeur. Il possède de belles valeurs et de la compassion. Il a de belles forces, est brillant, réfléchi. Il a tellement un bel humour à apporter à la société si elle l'accepte dans ses rangs.
Amélie, à quatorze ans, est un rayon de soleil : créative, colorée, persévérante, altruiste, dynamique et lumineuse. Elle a de belles capacités, mais aura de la difficulté à trouver un emploi à la hauteur de son talent. Sans diplôme et sans parole, aura-t-elle sa chance? Pourtant, elle bricole comme une pro et a toujours un projet en tête. Si l'on transformait l'Évangile en papier en un monde de princesses et d'animaux fantastiques, elle y serait un génie.Un monde où il y a une place pour tousJe rêve d'acceptation, d'entraide, de services accessibles, flexibles et distribués selon les besoins et non selon un mode de «cochez oui cochez non». Je ne veux plus de situations où les plus nantis (les plus forts) profitent des plus vulnérables. Je souhaite un monde où il y a une place pour tous; chacun avec ses couleurs, un monde inclusif et tolérant, un monde où l'on tire sa force de nos différences, sans jugement, un monde où toutes les couleurs s'uniront pour former un éventail éblouissant de talents et d'unité, un monde où je n'aurai pas peur de laisser mes enfants quand mon tour sera venu de partir, un monde où l'humanité a sa place, un monde en couleurs quoi!
Manon Lacharité, maman de Thomas et Amélie
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Catherine, Nadia et Julie, cofondatricesLes couleurs de l’Autisme
Nous remercions Valérie Bouchard, deMinimo motivation ludique, pour le logo et à Dominique Gingras pour la révision linguistique