C’est devenu rare que j’aille au cinéma, et encore plus rare que je pleure d’émotion dans la salle obscure, mais c’est bien ce qui est arrivé l’autre soir devant « Lion » : l’histoire (vraie) de Saroo, un petit garçon indien monté par mégarde dans un train qui l’emmena loin, très loin de chez lui, jusqu’à Calcutta. C’était dans les années 1980. Incapable de prononcer correctement le nom de son modeste village et son propre nom, impossible pour lui de rentrer chez lui. Livré à la rue, de décharge en orphelinat, à la merci des réseaux de trafic d’enfants, il fut finalement adopté par un couple d’Australiens aimants auprès de qui il grandit heureux, devint un adulte épanoui, et oublia sa famille, sa langue maternelle et jusqu’à la façon de manger avec les doigts. 25 ans après, chez des amis indiens de Melbourne, il mange un « jalebi » qui fait remonter en lui tous les souvenirs de son enfance indienne… S’ensuit une quête longue et tortueuse pour identifier son village d’origine et espérer retrouver sa mère et son grand frère…
Ce film est bouleversant. Sans doute en raison de l’interprète du petit Saroo, merveilleux chérubin à la voix éraillée comme Donald Duck, aux grands yeux curieux et confiants. Sa relation avec son grand frère adolescent est extrêmement touchante. Tous les deux vivent de petits trafics pour subvenir aux besoins de base de leur famille très pauvre (l’existence du père n’est pas évoquée et la mère travaille dans une carrière de pierre). Au début du film, on les voit sauter sur un train en marche pour récupérer quelques pains de charbon qui y sont transportés, afin de les échanger au marché contre… deux litres de lait ! Mais ces deux-là sont toujours gais, le grand frère, « Guddu », étant très protecteur vis-à-vis de Saroo, d’une tendresse paternelle très émouvante chez un jeune garçon. Le moment le plus fort du film est incontestablement celui où Saroo se retrouve « emprisonné » dans un train vide qui roule quasiment sans s’arrêter, pendant deux jours, jusqu’à cet endroit inconnu de lui, où les gens parlent une langue différente, Calcutta… Ville grouillante, où les enfants des rues sont légion. Des enfants premières victimes de la rapacité des trafiquants. Tout ceci nous est suggéré et nous prend à la gorge. On respire un peu quand Saroo est finalement adopté et s’envole pour la Tasmanie, mais cette partie-là du film est la moins intéressante et souffre de quelques longueurs : Nicole Kidman a beau jouer à merveille l’Occidentale altruiste et fragile à la fois, son personnage et celui de son mari font pâle figure à côté des personnages indiens (sans mauvais jeu de mot). Mantosh, le frère adoptif de Saroo, lui aussi originaire d’Inde, et victime certainement d’un grave traumatisme aurait pu être plus travaillé (en opposition à Saroo). La petite amie du Saroo adulte est intéressante mais son personnage n’est pas assez développé. Et surtout, que de longueurs dans l’anamnèse difficile du passé d’un Saroo complètement occidentalisé ! Au moins cela fait comprendre ce qu’a eu de pénible, d’obsédant et de presque aliénant ce retour aux origines. Je vous laisse découvrir la fin…
Saroo a écrit son histoire qui a été publiée en 2013 sous le titre A long way from home. Avec des histoires comme ça, la fiction n’a qu’à bien se tenir !
💙 Et sinon… bon vendredi saint 💛
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