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Mon dada, c’est le digital et les possibilités multiples qu’il offre aux professionnels africains de plusieurs secteurs d’activités de se connecter au reste du monde. Dans la matinée réservée aux professionnels, j’ai pu animer une rencontre avec plusieurs éditeurs africains sur les enjeux du numérique.
Isabelle Kassi Fofana (FratMat Editions),
Lamine Sarr (NENA),
David Soro (Nouvelles Éditions du Balafons) et
Cyrille Hounkpé (Editions Laha). J’ai pu observer lors de cet échange plusieurs niveaux d’information concernant le digital et les opportunités qu’il donne au monde du livre africain.
Les axes d'une table ronde sur les impacts du digital sur le monde du livre en Afrique
D'abord,
celui de l’éditeur qui ne connait pas le sujet, mais qui écoute avec attention les possibilités et se montre sensible aux propositions faites. Celui, ensuite, de l’éditeur qui a tenté l'expérience, a observé les acteurs sensés pousser l’offre et objecte sur les points suivants :
Quelle transparence sur les ventes d'e-books et quelle stratégie de promotion de contenus numérisés ?
Ces deux points sont primordiaux et ne sauraient être évacués avec des réponses simples. Un éditeur doit pouvoir avoir des chiffres réguliers sur son produit. Ne serait-ce que pour pouvoir rendre des comptes à ses auteurs. Des témoignages que j'ai recueillis sur le sujet, l'opacité vaut tant pour des grandes plateformes comme Amazon que pour des éditeurs numériques spécialisés. Dans le fond, les œuvres littéraires seraient livrées à elles-même dans un flou artistique. Sur la stratégie de promotion, la question est lourde de sens. Sans communication, sans production d'une critique, sans interface engageante, quelle plus-value offre un éditeur numérique? Un livre numérique ne se vend que parce que l'on en parle.
C’est aussi celui de l’éditeur qui s’attaque à la numérisation mais dont on n’observe que les balbutiements sur le sujet, une nouvelle opportunité toutefois. Enthousiasme et méfiance, en effet, l'expérience est une sacrée garantie.
Enfin, l’éditeur numérique qui entend les critiques et réserves formulées et annonce de nouveaux services. Lamine Sarr reconnait les limites de l’offre liée aux problèmes d’infrastructure et de paiement en ligne. Limites qui sont sans cesse repoussées par la technologie. Des solutions de contournement audacieuses continuent de se développer en termes de solutions de paiement numérique. Mais parmi les opportunités qu'il annonce, l'imminence d'une bibliothèque numérique offre des possibilités en particulier de circulation des œuvres littéraires et publications scientifiques dans les milieux universitaires. Ce fut avant tout un moment de dialogue et d’ouverture sur un sujet incontournable quand on observe la faillite de la chaine du livre en Afrique francophone.
Les résistances justifiées : le propos d'un éditeur
Il est toutefois intéressant que je rapporte un échange que nous avons eu peu de temps après cette table ronde avec Michel Cadence, directeur des
éditions Ngo (anciennement Ndzé) basées au Gabon. Discussion instructive puisque le scepticisme de cet acteur du livre sur les possibilités du digital est assez saisissant. La principale réticence est naturellement la question du piratage sur laquelle les hackers ont, selon lui, une longueur d’avance et évoluent dans l’espace francophone en toute impunité. Selon lui, seuls les États Unis proposent un cadre relativement sain pour l’édition numérique. La France est laxiste. Alors les pays subsahariens… Pourtant l’expérience d’une plateforme d’Iroko pour le streaming vidéo des contenus de Nollywood est là et riche en enseignement. Le digital peut contrer le piratage physique. Mais Michel Cadence est comme saint Thomas. Il lui faut une démonstration. Après tout, c’est un mathématicien. De plus, cet éditeur souligne que ses livres circulent par différents canaux et que les limitations aux barrières nationales en Afrique peuvent être contournées. J'ai beaucoup de mal avec cet argument puisque lors d'une rencontre Afriqua Paris, il y a quelques années, il soulignait que les livres circulent principalement en Afrique lors des festivals et salons du livre...
Le digital en 5 sauts ... de grenouille
Vous comprenez qu'il était idéal pour moi d'animer dans l'après midi une rencontre sur le digital en Afrique en prolongement du sujet de la matinée. Le pavillon des Lettres d’Afrique terminait sa série d’animations très remarquées au salon du livre de Paris par le lancement du premier des cahiers du
CIAN (Conseil des Investisseurs français en Afrique noire), rédigé par Jean-Michel Huet sur le thème du digital en Afrique avec la participation d'
Etienne Giros, président délégué du CIAN et
Maguette M’Bow, enseignant et entrepreneur dans le digital, co-fondateur de YeleenPix (Banque d’images) ou du concept très original
L’Afrique c’est chic qui propose des événements sur des thématiques particulièrement précises, africaines et chics. La rencontre a permis d’observer les 5 sauts du numérique en Afrique identifiés par Jean-Paul Huet. Je ne les cite pas pour que vous vous procuriez ce livre... L'Afrique subsaharienne, une terre d’opportunités pour le numérique qui, dans différents domaines, offre des réponses technologiques inattendues malgré les limites de l’écosystème digital en termes de régulation, d’infrastructures ou moyens de paiement. Cette rencontre mérite un article à part entière qui sera une analyse du livre de Jean-Paul Huet. Il me semble que le débat fut et reste ouvert. En particulier sur le dynamisme des économies numériques dans l'espace anglophone, la question des infrastructures (en particulier le "fixe") et la question des ressources humaines compétentes pour la production d'un contenu local significatif... Mais nous y reviendrons.