Le nouveau roman de Guillaume Musso est en librairie depuis peu. Un appartement à Paris a provoqué une fièvre d’achats, digne du tirage de départ, 450 000 exemplaires. Un chiffre à la mesure d’un écrivain qui
tient depuis quelques années la tête des meilleures ventes. La réédition en
Pocket de La fille de Brooklyn, sorti l’an dernier, accompagnera
le millésime 2017.
Guillaume Musso est un écrivain prudent, semblable à un
alpiniste qui assure à chaque instant ses arrières et enfonce deux pitons là où
un seul serait bien suffisant. Il n’avance donc qu’armé de citations puisées
aux meilleures sources. Une en tête de chaque chapitre et d’autres dans le
texte, avec références fournies en fin de volume, tous ses personnages ayant,
quelle que soit leur profession, la manie des petites phrases. Elles leur
servent de béquilles davantage que de pitons car, en matière d’alpinisme, leurs
objectifs sont souvent limités à la compréhension de l’instant présent.
On l’accepte volontiers, ceci dit, pour le personnage
principal de son nouveau roman, La fille
de Brooklyn : Raphaël Barthélémy est lui-même écrivain et les mots, y
compris ceux des autres, appartiennent à son domaine. C’est un peu plus étrange
quand un flic à la retraite se livre au même exercice. Mais, après tout, les
flics ont bien le droit de lire, dans la vie comme dans la fiction. Fiction que
Raphaël vit pleinement, héros malheureux (longtemps malheureux, au moins) d’une
histoire qui le dépasse complètement, qu’il semble avoir lui-même initiée
cependant et dont il tente de comprendre les mécanismes comme s’il était en
train de les inventer. Alors qu’il est manipulé dans des situations
imprévisibles et que Guillaume Musso, son créateur, semble parfois se moquer de
lui.
Raphaël est amoureux d’Anna, ils ne se connaissent que
depuis six mois mais ils ont tous deux la certitude d’avoir trouvé le compagnon
idéal et comptent se marier bientôt. Sinon que Raphaël, un peu inquiet
d’ignorer le passé de sa future épouse, l’interroge avec tant d’insistance
qu’après avoir tenté de préserver ses secrets, elle finit par lui mettre devant
les yeux une photo de trois cadavres carbonisés en lui disant :
« C’est moi qui ai fait ça. »
Le choc est brutal. Raphaël sort pour fuir la vision
insupportable et les questions qui l’accompagnent, mais qu’il n’a pas pensé,
sur le coup, à poser. Puis il revient. Anna n’est plus là. Ennuyeux, bien sûr,
puisqu’il reste certain de leur amour partagé et s’en veut d’avoir mal réagi.
Mais après tout, il suffit de retrouver Anna, de s’expliquer, et tout sera
comme avant. Mieux qu’avant, même, puisqu’il n’y aura plus entre eux
d’inquiétants secrets.
Raphaël va découvrir, et nous en même temps, des tiroirs
cachés, des cadavres dans les placards, une autre identité à Anna, un drame qui
a fait la une des journaux et où il était question de « la fille de
Brooklyn ». Par paresse de journalistes puisqu’en réalité elle était de
Harlem.
Guillaume Musso monte un thriller comme on applique le
minimum syndical : à côté des pitons (ou des béquilles) ouvrant le chemin,
il en pose d’autres pour susciter de fausses pistes et se garde bien de donner
aux choses leur apparence réelle avant d’avoir levé quelques leurres. La
mécanique est précise. Mais mécanique.
Avouons que La fille
de Brooklyn se lirait sans déplaisir s’il ne s’y trouvait une surabondance
de détails inutiles, les gestes de chaque protagoniste étant décrits comme s’il
n’existait aucun raccourci possible. Après tout, peut-être le lecteur fan de
Musso apprécie-t-il d’être pris par la main.
Pour les autres, il est possible d’apprécier, le
temps d’un roman situé à une époque très proche de la nôtre, en septembre 2016,
l’hypothèse d’un candidat républicain à la présidence des Etats-Unis qui ne
serait pas Donald Trump. Et puis, patatras ! Mais vous verrez bien, si
cela vous tente.