une petite mise en abyme
C'est drôle comment la caissière qui toussait sur mes panais atterrit aujourd'hui sur cette table de bistrot en terrasse, face au supermarché où elle et moi taillions en décembre dernier une petite bavette, au comptoir de son tapis roulant.
J'observe la foule des passants de seize heures et des poussières, je glane des bouts de conversations et de visages. Le serveur raconte aux clients venus de Compiègne se distraire à Paris qu'il aura tôt fait de prendre ses cliques et ses claques (ses jambes et ses sandales pour la traduction). Quand sonnerait l'heure de la retraire à la Saint-Glinglin.
J'annote, je biffe, je corrige une première version papier du recueil de chroniques que j'ambitionne de publier, je paie l'addition et pars promener mon caddie de mémé dans les travées du Monoprix. Au détour d'un rayon, je tombe nez à nez avec Rodica, pétulante habitante du quartier que j'ai croquée dans trois ou quatre de mes billets. Dans son accent chantant un peu la Roumanie, elle s'excuse de ne pas m'avoir reconnu. D'un geste elle me dit qu'elle était ailleurs mais qu'elle fera attention la prochaine fois. Je pense en serrant gentiment sa main gantée que je lui offrirai de bon cœur un exemplaire de mon recueil.
Faisant rouler mes achats sur les pavés de la rue Daguerre et slalomant entre la mendiante et la gamine au visage barbouillé de chocolat, je me dis que j'aurais mieux fait de le lui dire plutôt que de seulement le penser. Et je songe qu'elle le saura tôt ou tard car il lui arrive de s'échouer sur les pages de ce blog.