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Trente personnes parmi lesquelles des journalistes, des écologistes, des artistes... ont accepté que leur urine soit analysée pour savoir si elle était contaminée par le glyphosate, à la demande de l'ONG Générations Futures (GF). Résultats : 100% de contamination. Un taux identique avait été trouvé en 2016 dans les analyses d'urine des eurodéputés. Pourtant, figurent parmi eux des consommateurs de produits bio.
" Notre échantillon n'est pas représentatif, notre enquête est exploratoire mais les résultats obtenus sont en cohérence avec ceux de l'étude Urinale menée sur plus de 2000 personnes en Allemagne en 2015/2016. 99,6% des échantillons d'urine analysés contenaient du glyphosate ", a expliqué François Veillerette, directeur de Générations Futures. Et il ajoute : " C'est totalement anormal de trouver un produit " cancérogène probable " dans nos organismes ".
Des concentrations très supérieures à celles autorisées dans l'eau
Plus grave : les concentrations retrouvées dans 29 cas sur 30 sont supérieures - et jusqu'à 32 fois supérieure dans un échantillon ! - à celle autorisée dans l'eau. La contamination n'est pas seulement généralisée, elle est lourde. Ce n'est pas étonnant. Le glyphosate, matière active du RoundUp de Monsanto, est l'herbicide le plus utilisé dans le monde. Il est associé aux OGM, maïs et soja surtout, et épandu par avion dans de nombreux pays. En France, 8600 tonnes de glyphosate ont été utilisées en 2013, soit plus d'un 8e du tonnage de tous les pesticides réunis. Il est utilisé à la campagne comme à la ville : par les agriculteurs sur les champs ; par la SNCF sur les voies ferrées ; par les collectivités dans les jardins et cimetières et sur les bords de route ; par les jardiniers amateurs...
" On a banalisé l'usage de la chimie sans tenir compte des risques alors qu'il existe d'autres solutions ", s'insurge le directeur de GF.
Conséquences : tout notre environnement est pollué, l'eau (y compris l'eau du robinet), l'air, les sols, les aliments. C'est pourquoi même les consommateurs de produits bio sont concernés.
On absorbe des produits encore plus toxiques avec le glyphosate
Le risque pour la santé ne s'arrête pas à la matière active. " Lorsque l'on absorbe la matière active, le glyphosate, on absorbe également les produits qui entrent dans la composition de l'herbicide. Dans le cas du RoundUp, le mélange du glyphosate et de ces produits augmente considérablement la toxicité comme l'a montré une étude menée par l'équipe du professeur Gilles-Eric Séralini ", ajoute François Veillerette
En fait, les risques pour la population ne sont pas étudiés et donc pas cernés. Aucun suivi épidémiologique n'est mené ni sur les humains ni sur les animaux (qui consomment du glyphosate via le soja et le maïs OGM sauf en bio). D'ailleurs comment comparer une santé sans glyphosate et avec, quand tout le monde est contaminé ?
En revanche, on constate dans la population une augmentation régulière des cancers, y compris chez les enfants, et des maladies chroniques. Un des échantillons de l'étude concernait un enfant de huit ans, lui aussi contaminé.
" Nous avons suffisamment d'éléments pour dire " stop " ", affirme François Veillerette.
Il dénonce les évaluations des agences de santé en Europe et aux Etats-Unis qui " sous-estiment les risques " et " ne prennent pas en compte les éléments des études qui dérangent les firmes ".
L'UE pourtant favorable à une ré-autorisation du glyphosate
Aucun de ces éléments ne semble troubler les institutions européennes. Depuis l'expiration de l'autorisation du glyphosate en 2015, l'UE a tenté de la renouveler pour 14 ans en se basant sur les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments (EFSA) qui a rejeté celles du CIRC, pourtant basées sur l'ensemble des études scientifiques publiées. Heureusement, la proposition de la commission n'a pas obtenu la majorité lors des votes. Mais après l'EFSA, c'est l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) qui exonère le glyphosate dans un avis rendu en mars 2017. EFSA et ECHA se basent sur des études fournies par les firmes. La commission doit faire une nouvelle proposition. Elle sera sans doute favorable à une ré-autorisation.
Pourtant, en mars, l'Etat de Californie a reconnu le glyphosate comme cancérigène. Et dans le cadre de procès aux Etats-Unis, des courriels internes à Monsanto ont été divulgués (affaire dite des " Monsanto papers " révélée par le journal Le Monde) et indiquent que la société s'inquiétait dès 1999 du potentiel mutagène du glyphosate.
" Ce produit a été autorisé parce que les fabricants affirmaient qu'il est biodégradable. On en trouve partout aujourd'hui, la preuve est faite qu'il ne se dégrade pas. D'autre part, les réglementations de l'UE interdisent l'utilisation de pesticides considérés comme cancérogènes certains ou probables. Il est donc inconcevable que le glyphosate soit ré-autorisé ", poursuit François Veillerette.
Les citoyens d'Europe passent à l'offensive
" Je suis contaminée et je voudrais bien faire quelque chose. Mais quoi ? Ben rien ! Je ne peux rien faire. Je suis face à un vide. C'est un gros problème ", a déclaré la chanteuse Emily Loizeau, qui fait partie de l'échantillon.
Faute d'être protégés par les pouvoirs publics, les citoyens ont décidé d'agir. Ils ont lancé une Initiative citoyenne européenne (ICE) pour demander l'interdiction du glyphosate et espèrent recueillir rapidement un million de signatures en Europe. L'ICE en compte déjà 630 000 début avril.
Le 18 avril, le tribunal contre Monsanto va rendre son jugement à la suite des audiences qui se sont tenues en octobre 2016. Les initiateurs de ce tribunal international espèrent que le jugement ne sera pas seulement symbolique mais qu'il servira aux victimes pour se défendre.
Enfin, Générations Futures va lancer une nouvelle enquête pour rechercher le glyphosate dans les produits alimentaires. Ce sera une preuve supplémentaire de notre exposition.
" Rien n'est perdu et le glyphosate peut encore être interdit en Europe ", estime François Veillerette qui incite tout le monde à la mobilisation.
Anne-Françoise Roger
Cliquez ici pour signer l'ICE demandant l'interdiction du glyphosate