Cet homme est un grand homme et ce chien est un grand chien dans sa race : "Caniche Royal". Quand j'étais môme, à la même époque où Steinbeck et Charley accomplirent leur road-movie à travers les states, le même clebs, même couleur, copie conforme, est arrivé à la maison, un chien survenant, un hobo, un clodo. Crado, affamé, tout de suite accueilli par la famille. Ma soeur, mon frère et moi l'adorions, les parents qui ne voulaient pas d'un "encombrant" faisaient un peu la gueule, mais le chien est resté... un peu.
Il était incroyable "Chocolat", c'est ainsi que nous l'avions appelé, hyper gentil, une classe incroyable, il vous regardait comme un marquis regarde la valetaille, mais avec heureusement son regard de chien pour lui, les plus beaux regards du monde. Il n'acceptait sa gamelle qu'à table, ce qui posait des problèmes, mais la famille, étonnamment s'adapta, c'est à dire qu'il n'acceptait de ne manger qu'avec nous, assis sur une chaise, serviette autour du cou (vrai) parfaitement propre, incroyablement délicat. Un vrai chien de la haute. Magnifique compagnon de jeux, un chien doté de toutes les qualités.
Un jour le paternel nous a annoncé qu'il avait retrouvé son proprio et qu'il allait le ramener. Tronche des mômes, je nous revois encore, ravagés de tristesse. Puis mon père m'amena avec lui (alibi) dans la 2CV camionnette. On arriva dans une grande demeure à Sallespisse (64) et mon père me demanda de rester sagement à l'attendre dans la voiture pendant qu'il amenait Chocolat dans ce qui était véritablement un château. Ça dura des plombes. Puis au bout d'un grand moment mon père revint seul, le regard légèrement égrillard.
J'ai su des années après que c'était le boxon du coin, le château en question c'était la très fameuse "Escale Antillaise", un fameux lupanar dont les vieux d'Amou se souviennent encore avec émotion. Moi, j'ai souvent pensé à Chocolat dans ma vie, j'imaginais le roi au milieu de ses filles.
Pendant ce temps Johnny et Charley traçaient ensemble la route, de la "66" à toutes les autres...