Voilà des personnages avec lesquels nous avons grandi au travers de petites B.D. de Vic Bloom, Bob Montana et sous le crayon de Dan DeCarlo, racontant de courtes histoires candides à l'humour très léger et au décor extrêmement 50's. Encore aujourd'hui, personne ne s'étonnerait de trouver dans sa salle de bain quelques Archie's traînant quelque part.
Dans la B.D.:
Archie est un étudiant de 17 ans, roux, charmant, extrêmement maladroit, mais généreux et aux belles valeurs, ce qui lui attire l'amitié de tous et l'intérêt féminin de la blonde et maternelle Betty Cooper, ainsi que de la riche brune et vaniteuse Veronica Lodge. pour lesquelles il a une attirance qu'il peine à départager. Presque toute les filles le trouve attirant. Son meilleur ami est Forsythe Pendleton Jones et est appelé "Jughead" car il a toujours une couronne sur la tête. Jughead mange comme un ogre, ce qui reste amusant puisqu'il est longiligne.
Lire (et relire) un Archie's, c'était comme lire le derrière d'une boîte de céréales. Un doux bain pour le cerveau. Rien de trop sérieux. Rien de trop compliqué. De la pop gomme baloune.
On a tenté d'adapter la série de B.D. en un téléfilm au début des années 90, mais ce ne fût pas concluant du tout. En dessins animés, un peu plus. Cette année, on diffuse sur Netflix, une série produite par Netflix, et créée par Roberto Aguirre-Sacasa.
Une série dans laquelle, l'amoureuse et moi avons plongé nos yeux et notre attention dernièrement.
Dans l'inconfort constant.
Il est certain que pour adapter quelque chose d'inspiré des années 40-50, il y a de nombreux risques de désintérêt public qui effraient les producteurs. Le confort mental de nos parents, de notre génération aussi, n'est pas celui des Y ou des milléniaux. Qui voudra voir les tribulations amoureuses naïves de jeunes étudiants qui ne peuvent même pas se rejoindre par texto ou encore chasser des vampires la nuit? Ça intéressera quelqu'un?
Les producteurs ont donc choisi de faire de la bande à Archie, un groupe de jeunes de 2017. On a changé le ton. On baigne beaucoup moins dans le candide et l'humour et on flirte davantage avec le mystérieux, le glauque, le sexy et le dramatique. La série débute avec un meurtre et après 7 épisodes, on travaille toujours sur la recherche du meurtrier. (au 8ème, Montréal s'invite!). On a aussi introduit quelque chose qui était largement absent dans les B.D. à deux exceptions près*, des parents. Qui prennent une place beaucoup trop large dans la série télé. Le plaisir de lire Archie résidait en partie dans l'affranchissement imparfait de jeunes de leurs parents. En tout cas pour mes yeux. Fallait voir Archie gérer sa vieille voiture, ça rappelait Gaston Lagaffe et son gaffophone.
Le niveau de surprise n'accote pas le niveau d'étonnement. On se s'étonne de voir un contexte sombre et extrêmement 2017, mais avec des vestiges des années 50 qui font assez peu de sens. Il semble n'y avoir qu'un seul resto à Riverdale et c'est Chez Pops (devenu noir lui aussi, et sans réplique aucune). On porte des manteaux sportifs comme on le faisait entre 1944 et 1988 et dans Happy Days, ce que l'on ne fait plus beaucoup de nos jours. On isole, cache et envoie en "réhabilitation" une jeune fille enceinte comme on l'aurai fait dans les années 50. Betty s'habille de manière si conservatrice qu'on la croirait membre du parti Conservateur. On a beaucoup de miroir des années 50, ce qui aurait pu être fameux avec un président des États-Unis et une équipe autour qui en incarne beaucoup les valeurs, mais le mot "étrange" revient plus souvent à l'esprit. Le malaise est persistant.
On a définitivement sexualisé la B.D.. La couronne de Jughead est devenue une tuque avec pointes de couronne, mais on semble avoir complètement éliminé l'idée qu'il mangeait tout le temps. L'humour, même si léger dans la B.D., est en souffrance dans la série. Brad Pitt mange dans toute ses scènes dans un des Ocean Eleven. Il était Jughead chez Soderbergh. Et comme Pitt n'a pas une once de graisse lui non plus, de le voir constamment avec un burger ou une cochonnerie en main était une belle idée. Simple et amusant.
Y a pas assez de simple et pas assez d'amusant dans la série de Roberto Aguirre-Sacasa.
On y voit beaucoup de décisions de productions alors qu'on aurait dû se concentrer sur les personnages.
Les clins d'oeil à la nostalgie sont nombreux, ne serais-ce que dans les titres des épisodes évoquant tous des films du passé, mais il y a une colère latente dans tous les personnages qui fait oublier le confort léger que nous offrait les B.D. Qui nous fait oublier le bain chaud. Comme si on avait démesurément électrifié quelque chose de très bien, acoustique.
Tandis que cette version risque d'être plutôt aimée. Des Y et des Milléniaux. N'ayant rien à foutre de l'original.
Comme ils se foutent de Rockwell.
Comme on se foutait de Barbara.
Il faut aussi savoir que dans les dernières versions B.D. (animées?) d'Archie, que nous ne fréquentions plus, celui-ci meurt assassiné. Voulant protéger son ami gay, Kevin, personnage tardif de leur univers et aussi présent dans la série. Le côté sombre était donc déjà existant, mais méconnu de nos générations.
On continue de l'écouter chaque semaine. Par curiosité.
Mais ce n'est pas notre Riverdale.
C'est autre chose.
Un remix.
Jamais aimé les remix.
Disponible sur Netflix.
*Fred Andrews père d'Archie, ne ressemblant aucunement à l'incarnation de Luke Perry, mais le personnage B.D. ne ressemblait pas du tout à Archie de toute manière, et Mr Lodge, riche père de Véronica, en prison pour fraude dans la série télé, qu'on a pas vu encore.