Pour honorer cette vie, trois lignes de prose interrompent les vers libres. Puis les strophes reprennent, plus ou moins longues et aux mètres variés, de l'alexandrin au mot d'une syllabe.
À la fin du premier volet, un texte de deux tercets formule, dans un certain lyrisme, mais là encore sans aucune emphase, une injonction à l'amour. Pas d'emphase, oui, mais une musique cependant de ce Tracé du vivant dont la couverture reproduit la première page de la partition par laquelle Alain Bancquart, le mari de l'auteure, a honoré son travail.
Ainsi cette première partie s'achève-t-elle par « la musique des pierres », le corps en fusion avec l'univers et la pudeur du geste amoureux. « Ce fut. Très fortement. »
La suivante, comme un cri, mot annoncé par son titre – « Le cri peut être tendre, aussi » -, s'ouvre, au nom de la peur du verbe par une question inquiète : « et tu crois pouvoir écrire une pastorale ? ». Puis, par magie, débute un récit. La ville, un matin, et ce « vieil homme (qui) marche dans le jardin ». La vie donc comme cette graine qu'il faut ramasser. Moment de paix avant même la mitan du recueil. En effet « les signe s'inversent » grâce à « l'énergie ». L'identité est également retrouvée et, avec elle, les sensations :
le monde tout entier
restera peut-être ocre clair, été sucré, abeille.
« En célébration du vivant », le titre du troisième volet, témoigne, sinon d'une renaissance, du moins d'un nouveau point de vue énoncé d'une écriture plus alerte :
le bras du mort se lève encore
et
donne le départ à l'orchestre. Connue, la ritournelle !
C'est alors la douceur de certaines images végétales : « Laitance d'arbres, aisselles des feuilles. » Et plus loin : « Même l'extrémité des branches / aurait été une patrie. »
Voici venir, enfin, pour la poète-narratrice, la rédemption:
Un mot
devenu
soleil et lieu.
avec l'évocation des dieux et de la ville qui vit. Malgré la boucle du mot palindrome non il faut écrire sans savoir à qui, sans savoir où et garder « trace du vivant ».
Sont évoqués ensuite l'éloge du silence et l'éternel « plumé » par le moindre geste.
Le dernier volet commence par faire revivre les « vieux visages » avant que ne se posent d'autres questions, insolubles cette fois :
– Quoi
ne reçoit pas réponse
sinon sa question même.
quand le corps pose encore problème à celle qui ne sera jamais « l'aventurière définitive ».
Mais, jusqu'à la toute fin de l'opus, avec « la lumière (qui) fait émeute quelquefois dans le ciel » et grâce à la variété harmonieuse du mètre, le rythme - celui des « variantes solaires » - et la musique du texte apportent joie et espoir au lecteur emporté par « cet élan des choses d'ombre ».
France Burghelle Rey
Marie-Claire Bancquart, Tracé du vivant, Arfuyen, 2016, 96 p., 11€