En France, la vogue du paiement sans contact sur smartphone a réellement démarré l'été dernier avec l'introduction d'Apple Pay par le groupe BPCE, suivie, au début de cette année, par le lancement de la version de proximité de Paylib, porté par un consortium de banques, qui, d'ailleurs, s'agrandit. La nouvelle offre de Carrefour Banque devrait suivre la tendance, tout comme, selon toute probabilité, la future Orange Bank, dont sa parente directe veut certainement effacer ses échecs passés (Cityzi, paix à son âme).
Face à cette déferlante et en dépit des déclarations d'auto-satisfaction des institutions financières, l'adoption par les consommateurs ne paraît pas extraordinaire, à ce stade. A priori, comme ce fut le cas avec les premiers pas d'Apple Pay aux États-Unis, après des débuts prometteurs accentués par une forte pression marketing, les utilisateurs curieux tendent à se lasser rapidement d'un outil qui ne leur apporte finalement pas d'avantage visible en comparaison de la carte plastique à laquelle ils sont habitués.
Deuxième catégorie d'acteurs de l'équation, les commerçants pourraient se révéler plus « actifs » dans leur mouvement de rejet. Car, pour eux, ces nouveaux moyens de paiement constituent une menace potentiellement sérieuse : la perte de l'exclusivité de la relation qu'ils entretiennent avec leurs clients. En effet, à l'ère de la donnée, les porte-monnaie virtuels devenus capables de gérer les transactions et leur contexte procurent une connaissance intime des utilisateurs dont la possession est un enjeu de survie.
Le risque n'est pas uniquement théorique. Pour ne prendre qu'un exemple (hypothétique, à ce jour), la mise en œuvre d'un programme de fidélité par Paylib représenterait un dangereux concurrent pour ceux des marques, en offrant une personnalisation, une pertinence et une efficacité décuplées grâce aux précieuses données disponibles sur l'ensemble de l'activité du consommateur. Et ne parlons pas des opportunités de commercialiser les informations capturées de la sorte, y compris aux marchands.
Il faut noter au passage que, ironiquement, en excluant le cas spécifique de Paylib qui leur appartient, les banques sont confrontées aux mêmes craintes, ce qui explique pourquoi beaucoup d'entre elles font preuve d'un enthousiasme modéré vis-à-vis des solutions d'Apple, Google, Samsung et consorts, qui sont tous à la poursuite de données à exploiter. En l'état actuel du marché, leur position est donc ambiguë, puisqu'elles ne promeuvent que partiellement le paiement via mobile, quand elles y ont intérêt.
Dans une telle situation, faut-il s'étonner que la généralisation massive du paiement sans contact sur smartphone – pour la x-ième année consécutive : « 2017 sera l'année du m-paiement ! » – soulève encore des doutes ? Tant que l'ensemble des participants à l'écosystème (complexe) n'y trouveront pas leur compte, rien ne pourra véritablement changer. En attendant, les commerçants menacent de saboter les déploiements et, ainsi, de faire prendre du retard, une fois de plus, au rêve de la révolution mobile.