Très beau livre illustré du géographe Christian Seignobos sur près de 50 années passées à la frontière entre le Tchad, le Cameroun et le Nigéria. Présenté comme un carnet de voyage, le livre est composé d’une série d’articles décrivant des aspects multiples : architecture, botanique, zoologie, mœurs, etc.
Une longue étude de terrain
Cinquante années passées dans une région, c’est une expérience de terrain exceptionnelle pour un scientifique : c’est l’opportunité d’observer des évolutions sur une longue période et, en l’occurrence, cette région a connu des bouleversements importants. Parmi les aspects montés, certains correspondent à un imaginaire africain lointain, colonial ou pré-colonial, comme les architectures des cases en obus (image du haut de l’article, reconstitution d’une cité de cases-obus à Malla © Seignobos, p. 69), le plan des maisons de chefs avec leur gynécées, l’utilisation des acacias comme défense naturelle, les pratiques de chasse, les initiations, etc.
Le géographe montre aussi la réalité post-coloniale, le temps des grandes mutations où les sociétés africaines sont exposées à différents phénomènes : migration, guerre, famines, urbanisation, montée de la violence, émergence des coupeurs de route, etc. Dans ce contexte, les plans d’aide au développement semblent parfois surréalistes. Le point d’orgue de ces changements régionaux est la montée de l’intégrisme religieux, et plus particulièrement l’apparition de Boko Haram. Parallèlement à ces grande mutations, l’auteur décrit également la disparition d’espèces animales : le taurin, le poney ou le rhinocéros noir.
Peloton motorisé de Boko Haram (© Seignobos, p. 277)Une approche illustrée
Tous les articles sont accompagnés de magnifiques illustrations à la ligne claire : paysages, plan de village, maisons traditionnelles, arbres, humains, animaux, etc. Tous ces dessins portent une subjectivité assumée, mais leur totalité impose une forme d’objectivité. L’association entre textes et dessins dans les ouvrages scientifiques est toujours difficile à faire. De ce point de vue, ce livre a trouvé un très bel équilibre.
« Les chercheurs se trouvent pris entre plusieurs expressions graphiques : comment gérer le codifié, le figuratif et l’allusif ? »
(Christian Seignobos, Des mondes oubliés, carnet d’Afrique, p. 11.)
Christian Seignobos
Des mondes oubliés, carnet d’Afrique,
éditions IRD/ Parenthèses, 2016.