L’émigration, c’est passer de Walt Disney au thriller sans préparation !
Un roman où l’auteur nous annonce en préambule que tout est faux, mais que si les personnages sont vrais, c’est la volonté du romancier ! Il n’en faut pas moins pour piquer la curiosité du lecteur.
Zhida, un jeune Sino-Cambodgien arrivé en France à l’âge de huit ans, va se marier avec la fille d’un paysan vendéen. Un mariage qui sera un choc des cultures. L’histoire se passe en 1977, le délit de racisme n’est pas encore inventé, alors, qu’un niakoué épouse une banche, en province, bouleversant les traditions tant paysannes qu’asiatiques ne peut qu’amener le doute. Zhida, par nécessité, est devenu souple pour parvenir à s’intégrer, sa force de volonté et sa gentillesse le font accepter. Pourtant, il reste partagé, nostalgique d’un bonheur perdu, d’une enfance tronquée trop tôt par l’exil.
Dans son roman, Yves Viollier, nous montre le Cambodge avant et pendant l’arrivée des khmers rouges qui poussèrent les gens sur les boat-people, tous fuyant la montée du communisme dur et violent. Sans être un roman sur la guerre d’Indochine, ce sont les souvenirs grevant le bonheur de Zhida qui mettent en avant cet aspect peu connu du public sur ce conflit, dans nos anciennes colonies. On a récupéré les gens sur les bateaux, dans les camps de transit : mais a-t-on cherché à savoir vraiment ? Nous cicatrisions de nos défaites, l’Indochine n’était plus qu’un souvenir amer.
C’est une histoire qui fait la part belle aux sentiments, à la générosité. La tendresse et l’amour sont omniprésent malgré la brutalité de la séparation et de la perte, l’humour également : sans lesquels la sinistrose serait au rendez-vous. Sans une bonne dose de philosophie, comment supporter de déchirement d’être éloigné si jeune de sa famille : huit ans, c’est bien jeune pour émigrer loin des siens.
Ce roman va paraître alors que la question des migrants est à l’ordre du jour partout en Europe. Mais est-ce le même genre ? Certes, fuir les guerres entraîne une émigration, un choc des cultures, demande une adaptation difficile, parfois. Reconstruire sa vie avec une nouvelle langue, des habitudes aux antipodes des siennes est une gageure demandant un véritable effort sur soi. Cependant, la grosse différence tient à plusieurs facteurs conjoncturels et sociétaux. Les asiatiques font tout pour conserver leurs traditions, en mettant un point d’honneur à passer inaperçu. Les musulmans cultivent également leurs us et coutumes, mais au grand jour. D’autre part, en 1977, le plein emploi commençait juste à s’atténuer, ce n’est plus qu’un souvenir aujourd’hui ! La générosité de l’époque tenait au fait que chacun vivait encore sur les vestiges des trente glorieuses, les nouveaux arrivants ne menaçaient personne. De nos jours, le risque du chômage exacerbe les sensibilités. Il suffit de voir la progression du nationalisme en Europe pour s’en convaincre.
Le marié de la saint Jean est un roman très actuel, Zhida pourrait être n’importe lequel de ceux qui dorment sous des tentes, l’espoir chevillé au cœur, des rêves qui peinent à l’emporter sur des souvenirs douloureux d’un temps révolu. Un roman que j’ai beaucoup aimé, lu sans pause jusqu’à la fin. J’ai découvert un auteur dont le style semble souligner son engagement envers les autres. Une belle leçon de vie qui démontre que toujours l’ouverture primera sur le repli. Yves Viollier nous offre là un roman que l’on pourrait penser autobiographique tant il sonne vrai !
En librairie le 06 avril 2017
Présentation de l’éditeur
1977. Le mariage de Zhida se prépare à la Gallifrère, la belle ferme de ses futurs beaux-parents, près de Luçon. Zhida, jeune Chinois du Cambodge, Français » banane » comme il dit – jaune à l’extérieur – a dû partir, seul, pour la France à l’âge de huit ans avec son petit frère, et aller en pension à Romilly.
Son père, tout juste arrivé de Hong Kong, et son oncle, qui a pu échapper aux Khmers rouges et émigrer en France, seront là pour son mariage. Au cœur des trois nuits étouffantes de plein été qui précèdent la fête, Zhida revit l’histoire de sa merveilleuse rencontre avec la rousse Gabrielle, qui l’a choisi sur les bancs du lycée. S’invitent aussi dans ses souvenirs l’enfance, que l’exil a rendue douloureuse, l’adolescence et la jeunesse précaires. Et c’est à sa mère, la grande absente, disparue dans les ténèbres de la barbarie, que ses pensées reviennent, elle dont le sourire fragile va l’accompagner jusqu’à l’autel.
Source photo & bio : Presses de la Cité
Yves Viollier est né en Vendée. Il commence très jeune à écrire des poèmes, devient professeur de lettres, et commence à publier des romans en 1973. Ses premiers ouvrages le font remarquer par Robert Laffont, qui édite en 1988 la trilogie Jeanne la Polonaise. C’est avec ses romans vendéens, Les Pêches de vigne et Les Saisons de Vendée, qu’il fait son entrée au sein de l’Ecole de Brive. Il a obtenu, entre autres, le prix Charles Exbrayat pour Les Lilas de mer, le prix du Roman populaire pour Les Sœurs Robin, et le Grand Prix catholique de littérature pour L’Orgueil de la tribu. Il a récemment écrit L’Oratorio du Pardon avec le compositeur Bruno Coulais et reçu le prix Charette pour son roman Même les pierres ont résisté. Il vient de publier aux Presses de la Cité Y avez-vous dansé, Toinou ?, et, en avril 2017, Le Marié de la Saint-Jean.
Yves Viollier est critique littéraire à La Vie.
Détails sur le produit
• Broché: 304 pages
• Editeur : Presses de la Cité (6 avril 2017)
• Collection : TERRES FRANCE
• Langue : Français
• ISBN-10: 2258144558
• ISBN-13: 978-2258144552
• Dimensions du produit: 14 x 2,6 x 22,5 cm