Un voyage gourmand et original dans un monde féminin
Ambassade parisienne de la grande dame de Valence, La Dame de Pic est toujours restée depuis son ouverture d’une discrétion qui confine au profil bas. Pourtant, depuis deux ans maintenant, officie dans la belle cuisine ouverte un excellent chef, Jean-Yves Bournot, parfaitement dans l’esprit de la cuisine d’Anne-Sophie Pic. Finesse, élégance, saveurs entremêlées sans jamais dépasser le raisonnable et une intelligence intuitive qui prévaut à la construction de la carte et à sa réalisation. Il est passé par les Pourcel brothers, Thierry Marx, et Yannick Alléno durant huit années qui vont définir son style. Un mélange idéal de simplicité et de sophistication.
Lentement mais sûrement, le vert fait son apparition dans les assiettes. Discrètement bien sûr, et en cette fin mars il faudra encore prendre patience pour honorer les grandes théories du respect de la saisonnalité et du produit local en circuit court.
Voici les premières asperges vertes de Mallemort rôties doucement avec un œuf de poule parfaitement cuit à basse température, un beurre d’anis vert, et un court bouillon rafraîchi à l’huile de verveine et au pastis. Magnifique construction, même si l’anis a comme souvent la fâcheuse tendance à tirer la couverture à lui. C’est le cas ici mais sans excès tant l’équilibre du plat frôle la perfection.
Auparavant, le subtil amuse-bouche associait, en un mélange doucereux, un œuf de poule battu, du lait de coco et un espuma de chou fleur. Aérien et savoureux.
Le plat signature du restaurant est sans nul doute les fameux Berlingots au coulant de Brillat-Savarin légèrement fumé. Ils sont déjà, en eux-mêmes, absolument démoniaques, mais quand le chef y rajoute des champignons de sous-bois à la fève de Tonka et au poivre de Voatsiperifery, un poivre doux de Madagascar, on frôle le délire, tant c’est bon, original et… tout ! A goûter au moins une fois, sinon plus, dans une vie de gourmet.
Le Pigeon, d’une cuisson exemplaire, rosé mais pas au sang, est d’abord mariné au Géranium Rosat (qui donne un léger goût de rose, très utilisé en parfumerie) et au poivre de Cubèbe (poivre doux d’Indonésie). Il est servi avec un cèleri légèrement rôti et encore craquant, de la rhubarbe rouge jeune et puissante (trop ?), et les abattis revenus avec du boudin noir et du rhum Zacapa (du Guatemala). Un plat quasiment superbe de goût même si la rhubarbe rouge tient plus du jeu intellectuel que de la gourmandise pure tant son acidité arrache.
Dessert à l’unisson de l’ensemble grâce à un Vacherin à la passion, clémentine corse et café Adado d’Ethiopie, un biscuit moelleux comme matelas, de fines meringues, et une panna cotta au café. Démonstration convaincante d’un grand talent.
Carte des vins, accueil, et service de maison sérieuse sans décontraction forcée ni posture guindée. Et toujours cette volonté louable de travailler des produits exotiques encore méconnus, surprenants, lointains par la magie de leurs noms, qui viennent éclairer les plats avec tact. Plaisir de la découverte et découverte de nouveaux plaisirs. Le style de la Dame.
20, rue du Louvre
75001 Paris
Tél : 01 42 60 40 40
www.anne-sophie-pic.com
M° : Louvre
Ouvert tous les jours
Fermé du 1er au 20 août
Menu déjeuner : 59 € (3 plats)
Menu Plaisir : 105 € (4 plats)
Menu Gourmandise : 135 € (5 plats)