La « révolution 2017 » portée par France Fintech est celle de la convergence des banques et des Fintech pour allier universalisme et particularisme et réfléchir ensemble à de nouveaux services adaptés à de nouveaux clients dans un nouvel écosystème.
Cette seconde édition de France Fintech, réunissant près de 70 entreprises de la Fintech et des banques, portait l’exigence d’une révolution. Celle d’un nouvel âge de raison capable de répondre aux nouveaux challenges qu’imposent la technologie, ses plateformes et ses usages, dans l’écosystème financier français, bien sûr, mais aussi mondial. Un écosystème en perpétuelle mutation qui oblige les acteurs Fintech et bancaires à réfléchir à de nouveaux “mindset” et de nouvelles organisations pour répondre plus efficacement, plus précisément, plus « rationnellement », aux besoins et aux exigences de leurs clients. Durant une après-midi intense, les intervenants ont tous souligné le caractère résolument disruptif de notre ère numérique et la nécessité subséquente d’évoluer, d’innover. Ce n’est donc pas un hasard si référence est faite, dans la présentation de l’évènement, à la citation de Gary Hamel, penseur iconoclaste du business, selon laquelle « la plupart d’entre nous comprennent que l’innovation est extrêmement importante. C’est la seule assurance contre l’insignifiance. C’est la seule garantie d’une fidélité client à long terme. C’est la seule stratégie pour surpasser une économie morne ».
Surpasser une économie morne avec de nouveaux outils, transformer les façons de faire, de produire et de penser à la fois les services et les institutions. Le nouvel âge de raison se veut en outre apaisé, enfant de la conciliation, de l’union et de la collaboration. Enrichir l’écosystème pour élargir la discussion. On a souvent tendance à opposer les Fintech et les banques, en faisant des premiers les héritiers des seconds, en opposant leurs logiques et en comparant leurs approches. Or, et cela était particulièrement visible sur tout le déroulé de l’évènement, ces oppositions sont vaines. Car le nouvel âge de raison impose de penser ensemble et en profondeur les mutations en œuvre et ne pas se laisser tenter par un manichéisme finalement assez peu convaincant. Car dans la finance comme partout ailleurs, il n’existe pas un acteur, pas un modèle, pas une vérité mais de multiples, et tout l’enjeu de cette révolution est d’élaborer un écosystème financier collaboratif entre une pluralité d’acteurs, qui, loin de s’opposer, sont au contraire complémentaires dans leurs approches et leurs façons de faire. La révolution en œuvre donc est celle de la convergence.
D’une économie du partage à une économie d’accessibilité
Comme le faisait déjà remarquer en 2015, Louis Tressard, directeur général de l’Atelier BNP Paribas, dans sa tribune d’introduction à l’évènement, « les start-up sont utiles et même indispensables dans tout écosystème. Elles apportent leur agilité, leur capacité de disruption, leur ADN de croissance rapide et ambitieuse. ». En cela, elles donnent un souffle nouveau et apportent des visions neuves, innovantes et des alternatives concrètes élargissant les sphères d’actions. Les acteurs de la Fintech challengent les business model et élaborent de nouvelles pistes de réflexions qui, in fine, enrichissent les services financiers proposés à leurs clients. Les acteurs des Fintech ont challengé les approches et les paradigmes en termes de services financiers. Ils ont notamment renversé l’approche top-down, des acteurs financiers vers les clients, en approche bottum-up, des besoins des clients vers les acteurs financiers. Ron Suber, le CEO de Prosper, illustre bien ce changement paradigmatique. Les fondements de ses réflexions en matière financière se portent sur les usages de sa cible stratégique. Les Millenials mais aussi tous ceux qui croient en l’économie horizontalisé, de personne à personne, selon une logique de peer to peer. Car le numérique, dans les secteurs financiers comme dans l’organisation du travail ou en politique, se joue des hiérarchies, des corps intermédiaires et du poids des institutions. Il entraîne une horizontalisation des relations économiques et sociales et un vent de liberté et de création qui amène nécessairement à repenser les modèles existants. C’est dès lors, c’est par une analyse fine et par une approche réaliste des besoins des clients et des nouveaux outils et usages, que doivent être repensés les processus financiers de demain.
Selon lui « nous sommes passés d’une économie du partage à une économie de l’accessibilité ». Mais qu’est-ce que cela veut dire au fond ? L’économie du partage se fonde essentiellement sur la capacité, individuelle et collective, de diffuser toute une batterie de données librement. Or, aujourd’hui encore, tous les clients ne sont pas égaux face à l’accès à de tels services, que ce soit en termes d’équipement, ou encore par le jeu de facteurs structurels économiques, sociaux, culturels ou politiques. Une économie fondée sur le partage nécessite inévitablement de développer des réseaux accessibles de tous. Il s’agit d’un prérequis de base absolument fondamental au développement et aux perspectives d’innovation du secteur. C’est pourquoi, de nombreux acteurs des Fintech se sont majoritairement penchés sur la question de l’inclusion financière. Il faut toujours garder à l’esprit que la finance est intrinsèquement reliée à la société qu’elle entend régir, elle doit donc en épouser les fluctuations et s’adapter à ses mutations. Et c’est bien là que réside le grand défi, pour les Fintech comme pour les banques, de trouver les formes et les moyens les plus viables de mettre la finance au service de tous en fonction des différents besoins. Par la différenciation mais aussi et surtout par la collaboration.
Les Fintech, vecteurs de disruption au service des particularismes
En ce sens, les Fintech se sont spécialisées précisément là où les acteurs traditionnels, par leur architecture institutionnelle et leur finalité universaliste, peinaient à pénétrer. Les nouvelles technologies n’ont plus à démontrer leur caractère perturbateur et innovant, elles n’ont pas non plus à prouver leur capacité faciliter la communication entre divers acteurs et d’optimiser, sinon faciliter des process encore lourds. C’est pourquoi pour Mattew Saal, directeur digital à IFC, l’accessibilité et la durabilité de ces nouveaux services doivent « figurer au premier rang des priorités à la fois pour les gouvernements et les institutions mais aussi pour les Fintech ». Parmi ces priorités, celle, majeure, de bancariser les personnes non bancarisées.
C’est aussi le cas dans nos sociétés occidentales, mais plus encore dans les pays en voie de développement comme l’Afrique. Dans ces pays, la Fintech porte l’espoir d’aider au développement par la voie du Social business, une forme entrepreneuriale solidaire qui tout en développant ses activités lucratives, déploie des services répondant aux besoins sociaux des populations. Dans ce cadre, les Fintech peuvent jouer un véritable rôle dans l’émancipation, l’autonomie et dans la dignité économique des personnes. Et il s’agit d’un véritable enjeu quand on sait qu’aujourd’hui sur tout le continent africain, le taux de bancarisation est seulement de 22%. Une fracture claire du Nord au Sud qui révèle la nécessité d’investir mais qui donne aussi de nouvelles clés de compréhension des différents écosystèmes. Car comme le souligne Arnaud Ventura,, les enjeux structurels en Afrique sont différents de l’occident, on ne parle pas à la même cible et on doit ainsi prendre en considération des paramètres substantiels attenants à la culture, à la densité de population et aux infrastructures. Depuis quelques années, on voit ainsi émerger un nouveau marché africain porteur d’espoir, fondé sur le smartphone, terrain propice au déploiement des services de Fintech. Des services bancaires complets comme Orange Money ou M-Pesa fonctionnent uniquement sur smartphone. Florence de Bigault, directrice d’IPSOS Africa, rappelle ainsi que « si 22% des ménages africains possèdent un compte bancaire, ils sont en outre 12 % à posséder un compte bancaire par téléphone, ce qui ne concerne pourtant que 3% de la population sur la planète ». Et si dès lors l’avenir des Fintech se jouait dans les pays émergents ?
L’inclusion financière est un vrai enjeu en Afrique, rappelle Tidjane Deme, partenaire à Partech Ventures. Pour lui, « L’Afrique commence à peser au niveau mondial, 367 millions ont été levés en 2016 dont 19% vont directement à la Fintech ». L’enjeu est toujours le même, l’inclusion financière, et il retentit peut être plus fort encore dans un continent comme l’Afrique. Ainsi, tout l’enjeu est pour les Fintech d’attirer de nouveaux clients en proposant des solutions aux problèmes structuraux du pays comme en matière de santé, d’énergie ou d’infrastructures commerciales. Certains Etats africains peinent à déployer des moyens économiques suffisant pour relever de tels défis, c’est pourquoi la technologie en établissant des réseaux instantanés peuvent palier à ses difficultés. Le smartphone, mais pas que. Tidjane Deme souligne les vertus des plateformes solaires qui permettent d’acheter de l’énergie grâce à de petits compteurs et de payer chaque jour grâce à des agrégateurs de paiement. Car développer la Fintech en Afrique c’est développer un travail de fond pour faire passer le continent « d’une économie de cash à une économie de paiement ».
Ainsi les Fintech peuvent jouer un rôle décisif dans les pays émergents, comme dans nos sociétés occidentales car ils possèdent la faculté d’adaptation et de facilitation des processus financiers et s’appuient sur des outils technologiques, comme le smartphone, largement démocratisés. Pour autant, les Fintech se heurtent encore à la difficulté de trouver un business model viable à long terme et ce pour des raisons de confiance. La finance s’est toujours fondée sur la confiance, or la technologie en général et la finance en particulier, sont deux pôles qui continuent à inquiéter les clients. La data et son économie sont encore trop méconnus et effraient. La finance est aussi un sujet complexe en ce qu’elle a pour essence de réguler les relations d’échange économique entre les personnes, ce qui in fine, caractérise un des champs majeur de la vie sociale.
Les acteurs financiers classiques, une offre universaliste en réinvention
Les mêmes défis se posent pour les acteurs traditionnels, dont les banques évidemment. Mais ils se posent différemment. Les logiques ne sont pas les mêmes. Pour les banques ou les assurances, le défi majeur est celui de la transformation digitale. Autrement dit, comment optimiser ses services en mettant à profits de nouveaux outils. Mais aussi comment réguler ces nouvelles logiques de flux et réformer ses institutions pour coller d’avantages aux exigences de ses clients. La bataille de la confiance, même pour les grands groupes classiques, n’est pas gagnée d’avance. Toutefois, les acteurs traditionnels, banques et assurances, ont pu établir au fur et à mesure du temps une relation de confiance avec leurs clients et des pactes de sécurité avec eux. En cela, l’intérêt pour les banques est ailleurs. Il réside surtout dans l’optimisation de ses services et de ses institutions pour délivrer de meilleurs services à leurs clients.
C’est en cela, et par la même, que naît la nécessité pour les banques d’épouser ces nouvelles sphères, ces nouvelles manières de faire et de tendre la main à tous les acteurs d’un écosystème en pleine mutation. Pour Marina Lhomme, responsable de la transformation digitale au sein de BNP Paribas International Financial Services, la question de fond n’est pas celle qui opposerait Fintech et banque mais celle, plus large plus convaincante, de l’écosystème financier. Les mutations technologiques en cours sont multiples, las acteurs sont divers, c’est toute cette richesse qu’il convient d’appréhender. Puisse-elle faire l’objet de nouvelles collaborations. Pour elle, ainsi, la véritable question de fond « n’est pas de savoir si la banque deviendra demain une plateforme mais plutôt de savoir si les banquiers doivent changer leurs mindset pour collaborer avec les plateformes ». Selon elle, la banque n’est pas une plateforme, c’est une organisation composée de personnes, c’est une institution de service et de conseil. C’est dans ce cadre qu’il convient donc de penser l’innovation et la transformation digitale des banques, car le pôle humain, la relation est et restera fondamentale.
Plus qu’une révolution institutionnelle, l’enjeu réside au contraire au niveau des services. L’idée d’une transformation digitale réussie pour ces acteurs est de créer de nouvelles expériences avec de nouveaux outils. Car Internet et le digital se fondent sur la liberté et la responsabilité, c’est donc un enjeu majeur pour les banques que de réfléchir à l’agrégation de ses services sur ces nouveaux canaux de diffusion mais aussi de poser les bases d’une stratégie claire de plateformisation. « La capacité à intégrer ces nouveaux enjeux d’intermédiation permettra à la banque de trouver sa place dans l’écosystème. La banque doit donc se doter de nouvelles interfaces pour pouvoir parler aux nouveaux acteurs qui fleurissent dans l’écosystème ». La multiplicité des acteurs dans un écosystème changeant est une richesse plus qu’un danger, la banque doit donc se positionner de façon à établir une véritable collaboration, sinon un dialogue de fond avec les acteurs des Fintech pour optimiser les innovations et les relations client de demain. Et tout est une question de mindset pour Marina Lhomme. « Les relations humaines restent fondamentales dans la fourniture des services mais la base client a évolué obligeant à établir de nouveaux parcours client/service ». Cela passe aussi par l’intégration de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle et la blockchain, pour orienter la technologie vers l’efficacité et la sécurité des relations financières. La confiance, toujours. L’humain, surtout.
La révolution de la convergence, la raison au service de l’innovation
C’est donc plus en termes d’écosystème qu’il convient de penser la nouvelle ère financière, dans sa globalité, comme dans la diversité de ses parties. Il convient de construire de nouvelles expériences, dépasser les frontières, en mettant les différences d’approche au service d’une véritable vision d’ensemble innovante, novatrice et capable de répondre efficacement aux exigences et aux besoins de ses clients. Servir les particularismes à l’unisson, dans l’unité. Fournir des services à tous selon leurs besoins propres. La révolution de la convergence c’est avant tout la révolution de la communication et de la décentralisation. De vision, de façon de faire, d’organisation. Construire et investir ce nouvel écosystème est indispensable si l’on veut réunir les forces divergentes en véritable cap vers le futur. Acteurs de la Fintech, start-up, acteurs traditionnels et gouvernements, tous s’accordent sur la nécessité d’un dialogue de fond. Si Michel Sapin, ministre de l’économie française, dans son discours d’ouverture du festival, reconnaît que « ces nouvelles économies perturbent l’ordre établis de façon positive », il souligne aussi que les solutions pour encourager l’innovation doivent se poursuivre. Le ministre prône un travail collaboratif permanent indispensable entre acteurs publics et privés. Ainsi, un dialogue multilatéral entre divers acteurs, divers logiques et divers fonctionnement apparaît aujourd’hui comme nécessaire à la capacité d’innovation. Loin d’être antagonistes, les acteurs de l’écosystème financiers sont complémentaires, que ce soit en termes d’approche ou de moyens. Les Fintech ont besoin de la structure institutionnelle et de la garanti de confiance des banques qui, elles-mêmes, doivent s’inspirer des nouvelles façons de faire, des nouvelles visions portés par les Fintech.
L’association des banques et des start-up est ainsi pour Michel de la Bellière, partenaire chez Deloitte France, vecteur de croissance. Mais les termes de la collaboration doivent se focaliser sur une « vraie réflexion d’innovation » pour Céline Lazorthes, CEO du groupe Leetchi. Nous sommes à l’âge de raison, il est temps d’établir un dialogue en bonne intelligence qui seul pourrait faire émerger une intelligence collective, collaborative et participative favorable à l’innovation. Dans la mutation digitale des acteurs traditionnels, les Fintech ont leur rôle à jouer, comme ces mêmes acteurs ont intérêt à leur apporter leur expertise et leur base client, notamment pour pouvoir dialoguer avec les GAFA. Dans l’équilibre des vents contraires, dans l’union des contraires et dans les forces de la collaboration réside toujours une force vive, celle de l’harmonie. L’âge de raison. Alors, ne reste qu’à unir nos lumières, dans le dialogue et la confrontation, pour faire brûler le feu de l’innovation.