[Critique] 10000 SAINTS

Par Onrembobine @OnRembobinefr

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Titre original : Ten Thousand Saints

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Shari Springer Berman, Robert Pulcini
Distribution : Asa Butterfield, Hailee Steinfeld, Emile Hirsch, Ethan Hawke, Emily Mortimer, Julianne Nicholson, Avan Jogia…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 7 mars 2017 (DVD)

Le Pitch :
1987 : un adolescent fan de punk hardcore renoue avec son père quand celui-ci lui propose de quitter son Vermont natal pour emménager avec lui à New York. L’occasion de prendre du recul après une tragédie dont il a du mal à se remettre. Entre temps, le garçon fait la connaissance de la belle-fille de son père, avec laquelle il découvre l’effervescence d’une ville passionnante sans cesse en mouvement…

La Critique de 10 000 Saints :

Si il ne jouit pas d’une popularité débordante, le duo de réalisateurs/scénaristes Shari Springer Berman/Robert Pulcini peut se targuer d’avoir mis en scène l’un des meilleurs films des années 2000, à savoir l’étonnant American Splendor, soit le biopic de Harvey Pekar, un auteur de bande-dessinée ayant notamment collaboré avec le grand Robert Crumb. Un petit bijou du cinéma indépendant qui a notamment placé un marqueur sur deux cinéastes à suivre. Berman et Pulcini qui ont ensuite notamment livré le sympathique Journal d’une Baby-Sitter avec Scarlett Johansson ou encore Imogene, avec Kristen Wiig, sans pour tant non plus trop attirer l’attention. 10 000 Saints, leur nouveau film, a mis plusieurs années à débarquer chez nous. Directement en vidéo bien sûr. Malgré son casting et malgré ses indéniables qualités…

Saints Of New York

New York tient une place prépondérante dans le récit de ce jeune homme pris dans les affres d’une vie notamment caractérisée par des abus en tous genres. Nous sommes à la fin des années 80. L’Amérique se prépare à subir l’une des pires gueules de bois de son histoire. 10 000 Saints prétend ainsi saisir cette atmosphère unique. Il pénètre le New York des marginaux. Des punks et des dealers, qui traînent non loin du CBGB, le club mythique qui a vu naître le punk, avec les Ramones, puis le mouvement hardcore, qui tient d’ailleurs une grand place dans la dynamique du long-métrage. Les personnages sont tous autant qu’ils sont, paumés à divers degrés. Entre ce père pas du tout responsable campé par un Ethan Hawke parfaitement à sa place, et ce fils lui aussi largué interprété par Asa Butterfield, la révélation d’Hugo Cabret, il y a tout un monde, que peuplent notamment un chanteur de punk straight edge (un mouvement dans lequel on ne boit pas, on ne se drogue pas et on ne couche pas et dont on fait partie nombre de grands groupes du genre, Black Flag en tête) et une mère qui a du mal à suivre (interprétée par la très fréquentable transfuge de The Newsroom, Emily Mortimer). On trouve aussi une adolescente confrontée à une grossesse non désirée, jouée par Hailee Steinfeld (True Grit) et tout un groupe en quête de reconnaissance. Des comédiens tout à fait méritants et parfaitement dans le ton, qui incarnent un scénario investi et pertinent, dont les enjeux se télescopent presque en permanence avec l’évolution d’une ville en plein chamboulement culturel et social.

New York Blitzkrieg

Les deux réalisateurs ont souhaité rendre justice à l’ambiance de l’époque. Leur New York est plutôt crado et dégage un sentiment très prégnant d’insécurité. Ainsi, la photographie de leur film est à l’avenant, même si il faut bien avouer que ce n’est pas totalement réussi, car au lieu de ressembler à un vrai film des années 80 (manifestement la volonté initiale), il prend plutôt des airs de téléfilm un peu fauché. Ce qui est étrange vu les prestigieux acteurs qui se croisent ici. Pareil pour la musique. On aurait aimé entendre plus de morceaux vraiment connus. Des titres phares du mouvement punk et hardcore par exemple, pour cadrer avec la reconstitution quant à elle modeste mais franchement convaincante (on retrouve le CBGB comme il apparaissait au temps de sa gloire). Au lieu de ça, et probablement pour une question de droits trop chers, le film exploite des morceaux assez fades, si ce n’est ce tube de The Cure qu’on entend en plus en fond sonore. Grande œuvre rock and roll sur le papier, 10 000 Saints sonne avec beaucoup moins de puissance que prévu à l’arrivée. Ce qui est dommage vu la bonne volonté de la démarche et la sensibilité qui se dégage d’un scénario qui fait la part belle à des personnages attachants, via des dialogues relativement soignés.
Cela dit, si le film n’est pas aussi galvanisant qu’espéré, il parvient néanmoins à garder l’ennui à distance et joue sur une tonalité douce-amère parfaitement retranscrite par un duo qui évolue dans sa zone de confort et contourne comme il le peut les contraintes budgétaires.
Plutôt court, bien rythmé, porté par des comédiens au diapason (n’oublions pas le talentueux Emile Hirsch, ici dans la peau d’une version tendre d’Henry Rollins), 10 000 Saints n’est peut-être pas le grand film générationnel qu’il aurait pu être, mais la passion qu’il incarne, les thématiques qu’il aborde très justement et la sincérité qui s’en dégage suffisent largement à le rendre très fréquentable.

En Bref…
Cette plongée au sein des turbulentes années 80 n’est pas aussi puissante qu’espérée mais brille à plusieurs reprises par sa pertinence. 10 000 Saints fait preuve d’un attachement évident envers ses personnages et ses thématiques et sait soustraire le cynisme de l’équation. Au final, on se retrouve devant une œuvre attachante et tendre, qui réussit en majeure partie ce qu’elle entreprend.

@ Gilles Rolland

  Crédits photos : Factoris Films