Oui oui, révolutions. Y a pas de meilleur mot!
La dernière fois que les médecins se sont regroupés et ont couché sur papier (dans des articles publiés suivant des recherches médicales) des informations et un consensus sur le syndrome d’Ehlers-Danlos, c’était en 1998. Ça faisait donc 20 ans. VINGT ANS! C’est de cette époque que datent les différents “types” d’Ehlers-Danlos (on disait “SED type hypermobile” ou “SED type vasculaire”). On l’appelait la classification (ou nosologie) de Villefranche. Auparavant c’étaient les types à numéro (type III pour “hypermobile”, par exemple)… imaginez, ça fait plus de 20 ans que c’est modifié, et il y a encore des gens pour référer au type III… *soupir* C’est difficile de faire changer les choses hein?
En 2000, les critères diagnostiques ont aussi été modifiés, en ajoutant plus d’éléments au diagnostic que le simple examen de Beighton (combien d’articulations sur un total de 9 sont hypermobiles). On utilisait le Beighton depuis une trentaine d’années… c’était donc bienvenu. Cependant pour plusieurs médecins la modification de Brighton est passée inaperçue. Et puis, quand même, cette modification date de 2000! Si vous êtes comme moi, 1995 est “voilà 5 ans” et 2000 est hier, mais cela fait plus de 15 ans maintenant!
Il y a quelques années, lors d’un des premiers vrais colloques internationaux sur le syndrome d’Ehlers-Danlos, les médecins, scientifiques, spécialistes, patients et autres brasseurs d’idées ont réalisé qu’il devait y avoir un mouvement de fond, en cohésion, afin que les choses changent. Que les connaissances d’AUJOURD’HUI soient mises en commun et transmises. Cela a mené à la création d’une association internationale (surtout la fusion de Ehlers-Danlos UK et Ehlers-Danlos National Foundation) : The Ehlers-Danlos Society. C’est malheureusement, pour l’instant du moins, surtout anglophone, mais ça couvre l’Amérique et l’Europe et l’ampleur de leur travail et des avancées est incroyable!
Tous les médecins spécialistes du SED dont j’ai jamais entendu parler ont fait partie de cet immense travail : Hamonet, Castori, Francomano, Grahame… Des médecins de partout sur le globe et de toutes les spécialités.
Après deux ans d’intenses travaux, le miracle s’est produit! Ce mois-ci, une édition spéciale sur les syndromes d’Ehlers-Danlos est parue dans le American Journal of Medical Genetics! 17 articles rien que sur le SED! Et des articles que les médecins qui ne s’y connaissent pas ne pourront pas rejeter du revers de la main en disant que “c’est rien qu’un médecin qui dit ça, ça n’a pas de bases solides”, ou en disant qu’il ne reconnaît pas la source… C’est un consortium, un consensus, les nouvelles normes internationales reconnues, et c’est publié dans une revue médicale tout aussi reconnue. C’est la nouvelle “bible” des médecins qui doivent traiter un patient qui a un syndrome d’Ehlers-Danlos.
La page qui explique la maladie (onglet “Syndrome d’Ehlers-Danlos” en haut de page) est (ou sera bientôt) mise à jour pour refléter ces nouvelles informations.
L’important est de savoir, premièrement, comme vous aurez sûrement remarqué, qu’on dit maintenant “LES syndromeS d’Ehlers-Danlos”. On parle du syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile (et non “type hypermobile”), qui sera vraisemblablement traduit SEDh. Du syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire (SEDv), syndrome d’Ehlers-Danlos classique (SEDc), etc.
Il est important quand on en parle et qu’on écrit ces termes, d’utiliser la nouvelle nomenclature, afin qu’elle soit adoptée universellement. Il ne faut plus entendre “type III”, ni “type vasculaire”. Parce que plus vite les gens et le personnel du milieu de la santé apprendront les bons termes, plus vite ils adopteront aussi les autres bons réflexes et intègreront les bonnes informations qui y sont liées. Et puis, surtout en cette ère d’information web, si quelqu’un cherche “SED type III”, c’est la vieille information qu’il trouvera… on préfère de beaucoup que la personne cherche “SEDh” et trouve l’information mise à jour!
L’ensemble des articles est disponible ici, sur le site du American Journal of Medical Genetics. Les articles sont tous généreusement offerts gratuitement pour quelques mois. Même si vous ne parlez pas anglais, je vous suggère fortement, si vous êtes une personne atteinte, d’imprimer chacun des documents qui vous concernent en plusieurs copies (et d’en conserver une version .pdf dans votre ordinateur), et d’apporter cela à vos médecins. Du moins les articles qui les concernent! Il est important que l’information circule le plus possible! Je sais que beaucoup de médecins vont simplement foutre cela à la poubelle… ou dire “merci” mais ne jamais le lire… mais certains sont sincèrement intéressés, et d’autres vont le laisser disponible pour d’autres médecins curieux, et si on n’offre pas l’information à nos médecins, ils ont moins de chance de l’obtenir!
Le site français U.N.S.E.D. a fait une traduction de l’article sur la nouvelle classification, dont voici le lien.
Je précise que, comme j’ai fait jusqu’à maintenant, je vais me concentrer sur le syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile sur ce blogue, car c’est celui dont je suis atteinte.
En plus de fournir une nouvelle classification, qui tient compte des informations que la science nous a donné depuis 20 ans (surtout grâce à la génétique, mais aussi avec la clinique), cette publication nous offre de nouveaux critères diagnostiques pour chacun des syndromes d’Ehlers-Danlos, ainsi qu’une nouvelle catégorie de problèmes reliés à l’hypermobilité, mais qui ne sont pas liés au SED.
En (très) bref, cela vient de tous ces cas diagnostiqués “syndrome hypermobile” (ou “benign joint hypermobility” en anglais), et que plusieurs médecins voyaient comme synonyme avec le SED type hypermobile. Suivant une analyse des données, les chercheurs ont constaté que ce n’était pas le cas, et qu’il existait toute une catégorie de personnes hypermobiles, allant de ceux qui n’ont qu’une articulation hypermobile, ou qui sont complètement hypermobiles, mais sans douleur ni autre symptôme de problème du tissu conjontif… jusqu’à ceux qui sont très hypermobiles et avec beaucoup de douleurs et des blessures liées à leur hypermobilité… sans cependant avoir de symptôme de problème du collagène. Autrement dit, ces personnes sont atteintes de ce qu’ils nomment “Hypermobility Spectrum Disorder” et que je traduirais comme “trouble du spectre hypermobile”. Ce qui est bien, car ces personnes voient enfin leurs problèmes reliés à l’hypermobilité reconnus et potentiellement traités. On dit clairement que l’hypermobilité crée des problèmes et qu’il faut en tenir compte. Les troubles de ce spectre sont par ailleurs classifiés selon leur gravité. Vous pouvez aller voir l’article pour plus d’information.
Du même coup, on resserre les critères diagnostiques pour le SEDh. Il ne suffit plus d’être hypermobile selon le score de Beighton (qui subit une cure de jouvence, tenant en outre maintenant compte de l’âge) et d’avoir des douleurs et des blessures, mais il faut aussi avoir des symptômes de trouble du tissu conjonctif, comme tous les SED (pas nécessairement les mêmes ni de façon aussi prononcée). Et selon moi c’est tout à fait logique! Le syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile n’EST PAS que de l’hypermobilité et de la douleur, et ces nouveaux critères diagnostiques établissent ce fait. En prime, resserrer ces critères permettra d’éliminer de la cohorte SEDh les personnes qui n’ont pas réellement le SEDh, et donc permettre de la recherche médicale avec une population plus homogène, et peut-être enfin obtenir plus de résultats! Notre avenir est dans la recherche!
Voici un petit résumé, traduit encore une fois grâce à l’U.N.S.E.D. (cliquer sur l’image pour voir les critères en pleine page)
On note en passant que le SED demeure une maladie rare. Ce qui n’est PAS rare, c’est l’hypermobilité. L’hypothèse est qu’une fois séparés les cas des troubles du spectre hypermobile de ceux du SEDh, l’ensemble des cas de SED ne dépasseront pas 1/5000. Le SEDh demeure cependant le plus commun de tous les SED.
Dans le but d’enfin avoir une idée plus précise de ces chiffres (et de permettre une recherche médicale plus facile), un registre international sera bientôt lancé.
D’autres articles de la revue contiennent plus d’information sur les syndromes hypermobile, classique et vasculaire, puis les types rares regroupés. Un article porte sur la mesure de l’hypermobilité.
Tous les articles suivant portent sur la façon de nous traiter et sur les complications qui viennent avec le SED (pour tous les SED sauf si mentionné). Ces complications/comorbidités ne sont pas incluses dans les critères diagnostiques, car la recherche ne peut pas encore dire précisément ce qui est lié au SED et ce qui est une simple corrélation (des choses qui se produisent en même temps, mais sans lien de cause à effet).
On a donc des articles sur :
- La physiothérapie (SEDh)
- La dysfonction autonomique cardiovasculaire (a.k.a. la dysautonomie) (SEDh)
- La fatigue chronique (SEDh)
- Les implications gastro-intestinales
- Le traitement orthopédique
- Les manifestations neurologiques et vertébrales
- Le traitement de la douleur
- Les manifestations orales et mandibulaires
- Les désordres des mastocytes
- Les aspects psychiatriques et psychologiques
C’est un temps très excitant pour nous, car enfin les choses bougent! Après avoir trop longtemps fait leur recherche (et si peu!) chacun de leur côté, avoir eu (trop peu!) d’associations réparties un peu partout, enfin les associations et les médecins se regroupent (et les associations se regroupent AVEC les médecins!) pour faire avancer la cause des syndromes d’Ehlers-Danlos!
Un bel exemple de cela est que la gratuité des articles pour une période de quelques mois a été obtenue grâce à des pressions communes de la Ehlers-Danlos Society et de chercheurs sur le AJMG, qui n’avait pas cette intention au départ! Mais on dit quand même un gros merci au AJMG qui nous permet de mieux nous informer sur notre propre maladie, de sensibiliser beaucoup de gens et surtout, de bien informer nos médecins!
J’espère vous avoir aidé à comprendre ces informations et vous avoir donné envie d’en apprendre plus!
Je précise que ces informations sont vues comme un début, et qu’à partir de maintenant ces médecins (et d’autres, on espère) vont se rencontrer chaque deux ans pour mettre les informations à jour. J’entends déjà dire que les critères d’hypermobilité du Beighton seront possiblement mis à jour/modifiés, car pour l’instant trop d’articulations ne sont pas évaluées (épaule, hanches en rotation, etc). Si les recherches sont concluantes, certaines complications seront possiblement ajoutées aux critères diagnostiques également. Et, sait-on jamais, des marqueurs génétiques seront peut-être un jour ajoutés!
Écrit en écoutant du Willis Pride & Half Nelson. Ça fait quelques années qu’ils sont mes amis et que j’adore leur musique, et maintenant le chanteur, Willis, est à La Voix alors enfin tout le Québec le découvre!
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