Deux choix du mois cette fois! Le premier concerne un spectacle que j’ai vu à l’Athénéum, à Dijon début mars: « Archivolte » J’ai écrit un texte en sortant. Le voici:
Une création de David Séchaud
« Archivolte » tient de la performance, du cirque, du théâtre, de l’art plastique…
Sur scène, pendant l’installation des spectateurs, David s’échauffe. Déjà, le hasard joue son rôle. David désigne au lance pierre l’activité qu’il va faire : étirements, pompes, poirier etc.
Petits sourires dans la salle.
Le spectacle débute. Vraiment ? Pas sûr. Un peu floue la frontière !
On n’a pas fini d’être dans le doute avec cette petite troupe « Placement Libre ». C’est un de ses charmes !
Bon, après une brève et très sérieuse présentation de l’équipe et du sujet, l’entraînement de David va se poursuivre. Cette fois, c’est côté mental. David entre en lui-même, guidé par François qui joue les coachs rigoureux. On ne rigole pas.
Quand même, là, les choses commencent à se craqueler tout doucement. A quelques indices, le public se met à hésiter : ce n’est peut-être pas aussi sérieux que ça !
Et la pièce s’emballe. Monte en puissance. Le public se laisse embarquer, rit, s’inquiète… Parfois ne sait plus sur quel pied danser… Etait-elle au programme cette chute de néons ? Improvisent-ils ou disent-ils leur texte ? Le personnage fait-il semblant d’avoir peur de tomber ou est-il réellement en danger ? Prévu, imprévu…Voulu, involontaire … On est sur le fil !
En fait, on assiste au travail d’une petite bande de cambrioleurs qui préparent un casse à Tokyo, au musée de l’art occidental. C’est un bâtiment qui les fascine par son architecture moderne due au Corbusier. Il s’agit de rejoindre un précieux coffre, comme dans tout bon scénario de grand cambriolage. (J’ai pensé au vieux film « Topkapi »). La drôle d’équipe étudie les moyens, les techniques, les astuces pour réussir leur affaire. Il faut aussi envisager les obstacles, les contretemps, les difficultés.
Le travail de réflexion, de recherche, de répétition se déroule sous nos yeux incrédules. On s’amuse de leurs maladresses. On s’émeut de leurs espoirs. On s’attendrit devant tant de témérité assortie de tant de naïveté. On descendrait presque sur scène pour les aider !
Une étrange structure occupe l’espace scénique depuis le début. Elle va servir d’ossature pour l’entraînement. Elle va donc être assaillie par David et ses acrobaties d’alpiniste cambrioleur. Escaladée, torturée, cassée, trouée, à moitié démolie… reconstruite…puis effondrée à nouveau. La maquette du musée ne se laisse pas violer comme ça !
Tout semblait être pensé, organisé, calculé. Mais tout se déglingue.
Finalement, le rythme de la pièce s’affaisse, comme la structure, comme la lumière. Les trois jeunes baissent les bras. Plus sûrs de rien. Découragés.
David joue soudain, les yeux bandés, à essayer de stopper des billes qui roulent au sol. Au hasard, il jette les mains en avant. Encore le hasard.
Derrière lui, la structure est une silhouette de grand vaisseau échoué. Une ruine bancale. Un peu ridicule, un peu triste. Image d’un échec. Mais belle malgré tout dans cette semi-obscurité. La beauté plastique n’est pas oubliée.
Les sons ont également leur rôle dans ce spectacle. Les tests d’audition de David qui alternent doux concerto de Mozart et cacophonie assourdissante, les coups de marteau et les bruits retentissants de la démolition, les sirènes d’alarme, la musique sortie des tuyaux devenus soudain instruments à vent, le tintements des billes qui, au début, frappent les cibles et, à la fin, roulent gentiment sur le sol.
Les sons suivent le rythme de la pièce, sa construction. Et ils contribuent à son sens.
L’architecture est le sujet de base de « Archivolte » (On a même droit à un cours en vidéo d’un vrai architecte à qui il est rendu hommage, Olivier Gahinet). Et la bonne idée c’est de faire appréhender espaces et volumes par des voleurs. Une autre façon d’envisager un bâtiment. D’y pénétrer.
Et puis, il y a la façon de traiter ce sujet : par l’absurde. On rit de leurs délires à ces malheureux cambrioleurs débutants. De leurs excès. On s’apitoie devant leurs efforts totalement insensés et inutiles.
Le spectacle est riche de cette fantaisie surréaliste mais, surtout, riche des voies sur lesquelles il nous entraîne. A l’image d’une certaine catégorie d’art contemporain, nous voilà sur des références sérieuses, réelles, diverses et variées, l’architecture, le cinéma ou les casses célèbres… Matière à interrogation aussi : la vie est-elle cette structure à laquelle on s’attaque sans résultat ? Avoir des objectifs, se battre pour les atteindre, tenter de tout maîtriser ? Mais accepter aussi les aléas du destin ?
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