réalisé par Sidney Lumet
avec Paul Newman, Charlotte Rampling, Jack Warden, James Mason, Milo O'Shea...
titre original : The Verdict
Drame américain. 2h. 1982.sortie française : 16 février 1983
Avocat déchu et alcoolique, Frank Galvin racole ses clients dans les salons funéraires jusqu'au jour où il accepte de travailler sur l'affaire d'une jeune femme victime d'une erreur médicale et plongée dans le coma. Ce dossier qui risque de provoquer un scandale et de nuire à la réputation de l'hôpital, va être pour l'avocat l'occasion de retrouver sa dignité... ou de la perdre définitivement.
Le Verdict, nommé à cinq reprises aux Oscars dans les plus importantes catégories, est une adaptation du roman éponyme de Barry Reed, un ancien avocat. Cela peut expliquer la précision du scénario lorsqu'il aborde certains aspects juridiques. Sidney Lumet a été révélé par l'excellent Douze hommes en colère, certainement une des références du film du procès, un genre pas si évident à appréhender (pour ma part, j'aime énormément les films appartenant à ce genre). Comment rendre une oeuvre cinématographique alors que les films de procès partent toujours dans certains bavardages ou ont souvent un aspect assez théâtral (le métier d'avocat étant lui-même théâtral) ? Sidney Lumet réussit en tout cas parfaitement son pari. A travers ce film de procès, le réalisateur livre un portrait d'un homme en quête de rédemption par l'art de la justice de la quête de la vérité. Au début du long-métrage, Frank Galvin est un odieux personnage au fond du trou, passant plus de temps au bar à se bourrer la gueule et à s'inviter dans des enterrements pour racoler ses clients. On sait également qu'il avait failli être radié du barreau quelques années auparavant suite à une affaire qui a mal tourné. Le scénario, plutôt bien écrit et construit, cerne les différentes étapes de l'évolution de Frank dans son envie de se relever. La première partie expose la vie désastreuse de Frank. Ce dernier accepte une affaire proposée par son ancien partenaire Mickey. Il n'est pas censé la perdre : suite à une erreur d'anesthésie, Deborah Ann Kaye, qui devait accoucher à l'hôpital Ste-Catherine, a sombré dans un coma profond dont elle ne pourra pas s'en sortir. Sa soeur et son beau-frère ne cherchent pas au début à poursuivre les médecins coupables et veulent surtout une indemnisation. Pour résumer, Frank devra négocier une transaction et accepter le chèque de l'Archevêché de Boston qui est à la tête administrative de l'hôpital. Arrive alors la seconde étape : Frank n'accepte plus l'affaire par intérêt. Il a un déclic en " rencontrant " la victime à l'hôpital. Le goût de la vérité et de la justice finit par ressortir chez ce personnage qui se met à bosser pour de bon. Il refuse les dommages et intérêts prévus et compte mener une vraie bataille contre l'hôpital (défendu par un puissant cabinet d'avocats n'hésitant pas à user de stratagèmes douteux) en décidant d'aller au procès. Enfin, la troisième phase concerne la recherche d'un témoin clé qui devrait faire éclater la vérité : le procès trouvera alors son issue. Parallèlement à ce récit principal, notre personnage principal rencontre une certaine Laura Fischer.
Certes, Laura joue un petit rôle dans l'affaire que traite Frank. Surtout, ce personnage est surtout une sorte de reflet de la vie privée de Frank. Sa fonction de mise en parallèle avec un autre personnage aurait pu être gênant mais Laura ne se contente pas d'être un personnage-fonction. La scène finale (avec Laura qui téléphone à Frank) est très intéressante dans le sens où elle confirme pour de bon ce que va devenir Frank après cette affaire. Cette construction narrative, même si elle est structurée logiquement, m'a au début déstabilisée, comme si le film prenait un peu trop son temps pour installer son intrigue. Mais une fois qu'on a passé cette fameuse deuxième étape dans le récit, on comprend mieux où le film, qui devient de plus en plus captivant, nous amène. Comme le personnage principal, le spectateur prend conscience de certaines choses et a aussi envie de s'investir davantage dans l'affaire. La mise en scène est remarquable : solide, elle sait saisir l'espace d'une cour de justice tout en prenant en compte la place de son personnage. Ce point en question traduit bien également le travail des scénaristes qui ont su mettre en avant ce rapport entre un individu face à un système bien trop grand pour lui. A noter aussi un travail intéressant concernant la photographie et plus particulièrement l'éclairage. En effet, Lumet avait demandé à son directeur de la photo de s'inspirer du travail de Le Caravage. Effectivement, ce procédé de clair-obscur est bien présent dans le long-métrage et a un impact sur la manière de valoriser les lieux et décors. Paul Newman est impeccable dans le rôle de Frank Galvin, un personnage charismatique, profond, complexe et attachant. Son évolution au fil du film le rend encore plus humain. Il a clairement ses défauts : au-delà de noyer son mal-être dans l'alcool, même lorsqu'il veut retrouver sa dignité et pense certainement à la victime qu'il défend, il agit aussi par égoïsme : ce personnage touche parce qu'il n'est pas idéalisé. James Mason, dans l'un de ses derniers rôles de sa carrière, interprète avec intensité le rôle de l'avocat de la partie inverse. Charlotte Rampling est également convaincante dans le rôle de cette femme énigmatique et torturée. A noter également au casting la présence de Jack Warden et Ed Binns, qui faisaient partie du casting de Douze hommes en colère, ou encore les courtes présences de Bruce Willis et Tobin Bell ! Le Verdict est donc un film puissant et captivant à découvrir. On suit avec intérêt le portrait d'un homme qui retrouve foi devant une justice qui elle, justement, n'est pas toujours à la hauteur et s'éloigne de ce qui la définit.