En novembre dernier, Nicolas Garnier présentait au salon Kerchache du musée du Quai Branly, un masque du Nord de l'île de Bougainville. Ce masque étrange est surmonté d'une haute coiffe en cloche permettant la pousse des cheveux de l'initié, cheveux qui seront utilisés dans la confection d'un nouveau masque.
Nous sommes restés avec beaucoup de questions quant au monde imaginaire qui peut se construire dans les mythes mélanésiens autour du cheveu et c'est à ce propos que Nicolas Garnier nous a parlé des dessins de Somuk. De nouveau, il nous convie dimanche prochain, le 2 avril à 16h toujours au salon Kerchache, pour nous faire part de ses recherches en présentant plus largement l'oeuvre de cet artiste des îles Salomon qu'était Somuk et qui a illustré les contes et légendes sur Buka qu'il se plaisait à raconter.
Sur le site du musée de la Neylière (Créé en 1971 par Patrick O'Reilly, prêtre mariste), on peut lire :
"Je suis l’emblème de Bougainville et le symbole de l’unité de cette île.
Villard Martine et Berger Sophie - mai 2016
Je nais dans la forêt dans un endroit qui devient sacré, tabou, on me nomme UPE.
Je suis fabriqué avec des fibres de bananier et de rotin teinté de rouge, sur une structure de bambou, ce qui me rend très léger.
Je suis porté sur la tête par des adolescents pendant l’initiation qui peut durer des mois voire des années.
Cette période est marquée par la croissance des cheveux enfermés, on ne m’enlève jamais.
Du fait de mon imposante hauteur, j’ai besoin d’un oreiller spécial pour le sommeil.
Durant cette initiation, je suis témoin de tout le déroulement qui fera des adolescents des hommes : culte des ancêtres, travail de la terre, pêche, fabrication d’armes, d’objets rituels… tout ce que doit savoir un membre de la société pour pouvoir s’asseoir avec les aînés dans la maison des hommes et bénéficier de la sagesse des ancêtres.
Évidemment, je suis tabou pour les femmes et les non initiés. Poser les yeux sur moi peut être un crime d’une grande gravité.
A la fin de l’initiation, tous les hommes ainsi parés se réunissent pour un combat fictif, brandissant lances et perches.
Ensuite toujours portés, nous faisons un grand repas composé de taro, de manioc, de banane mélangés à de la crème de coco en forme de pudding ou de purée.bCe repas marque la clôture de l’initiation, rythmées par des festivités variées dont les danses.
Vous avez deviné, je suis le CHAPEAU d’INITIÉ.
Maintenant, célébré par le passage de l’enfance à l’âge adulte, je suis remplacé par URAR fait avec les cheveux des initiés que j’ai protégé durant ces nombreux mois.
Ils sont ainsi coupés et accrochés sur une structure qui peut mesurer plusieurs mètres de haut, fabriquée en grand secret.
Je n’ai plus lieu d’exister, je vais donc disparaître jusqu’à la prochaine initiation !"
En juillet 1951, le père O’Reilly organise à Paris une exposition avec les dessins collectés dont les œuvres de Somuk. Puis les autres dessins disparaissent pour réapparaître en 2016 sous la forme d’un album confectionné par O’Reilly. Cet objet exceptionnel contient une grande partie des documents liés à la mission et restés en la possession de O’Reilly : quelque 550 photographies, les dessins de Somuk et d’autres artistes de Buka et un texte d’O’Reilly.
Ainsi cet album, acquis en juin dernier par le musée du quai Branly – Jacques Chirac, est le complément indispensable des importantes collections de Buka et Bougainville conservées en ses murs. (Source Site du musée)
Photo 1 : Somuk, sans titre, vers 1935-1936, crayon noir et encre sur papier, H. 0,23 ; L. 0,21 m. © Olivier Laffely, Atelier de numérisation – Ville de Lausanne, Collection de l’Art Brut, Lausanne.
Photo 2 in Patrick O'Reilly & Somuk, Séjours à Bougainville, Îles Salomon - 1934-35 sur le site .