J’ai retrouvé ce livre récemment dans ma bibliothèque : il y est depuis bien des années et je l’avais lu avec beaucoup de plaisir à l’époque où je l’avais acheté, mais depuis je l’avais tout à fait oublié.
Réparons donc cet oubli en faisant un petit point sur Max Elskamp, né en 1862 à Anvers et mort en 1931, qui est un poète symboliste belge (source Wikipédia) et dont on peut se procurer La chanson de la rue Saint-Paul et autres poèmes, paru chez Poésie-Gallimard.
Le poème que j’ai choisi fait partie du recueil « Les délectations moroses » qui auraient été écrites en 1913.
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SONGE
Mon Dieu, des jours qui vont,
Mon Dieu, des jours qui viennent,
Dans le temps tout qui fond
Même douleurs anciennes,
Comme au monde, les heures
Sont d’hiver ou printemps,
Les jardins de nos cœurs
Ont aussi leurs saisons,
Et c’est de brume ou pluie,
De soleil ou clarté,
Qu’on vit en soi sa vie
Suivant le vent levé,
En la joie ou la peine
Alors à coupe pleine.
Mon Dieu, ils sont en nous
Comme en l’Inconscient,
Nos cœurs sages ou fous,
Suivant l’heure ou l’instant
Comme après dés jetés
On sait fortune ou ruine,
Ou comme aux jours d’été
Vent, les roseaux incline,
Car sans cause ou raison
C’est sises hors de nous,
Que choses et qui sont
Venues on ne sait d’où,
Et tenant du hasard
ou bien de notre étoile,
Nous font comme nuit noire
Dans l’abstrait qui les voile.
Or c’est ainsi, en soi,
Qu’on est si peu soi-même,
Qu’on ne sait pas pourquoi
L’on hait ou bien l’on aime,
Et que c’est vie qu’on a
Alors et qu’on subit,
Dans des jours longs, sans foi,
Ou souvent trop redits;
Et tu les a connus
Toi, ici haut qui rêves,
Et dans ton for à nu
Comme est le sable aux grèves ;
Et c’est ton cœur alors
Et qui a pris des ailes,
Pour retrouver sans leurre
Et sa paix et son ciel,
Dans le songe en la vie
Qui de tout nous délie.