Titre : Marzi, T5 : Pas de liberté sans solidarité
Scénariste : Marzena Sowa
Dessinateur : Sylvain Savoia
Parution : Octobre 2009
« Marzi » est une série narrant l’histoire d’une petite fille polonaise du même nom dans les années 80. Communisme, religion et petits tracas de l’enfance se mêle dans les ouvrages construits sous forme d’anecdotes plus ou moins légères. Le tome 4 nous faisait découvrir les grèves qui sévissaient en Pologne à l’époque. Cela continue dans ce cinquième tome, intitulé « Pas de liberté sans solidarité » qui nous montre en couverture la petite Marzi participer à une manifestation. Le tout est dessiné par Sylvain Savoia sur un scénario écrit par Marzena Sowa, qui nous fait part de son histoire personnelle. Le livre est édité chez Dupuis.
Le double langage fait le sel de l’ouvrage.
« Marzi » fonctionne selon un système de narration. Les dialogues y sont rares. C’est la petite fille qui nous raconte les évènements. Ceux-ci peuvent être graves et documentaires (les filles d’attente dans les magasins, les grèves, la guerre, etc.) ou beaucoup plus légers (les histoires avec les copines, l’adoption d’un petit chien, etc.). Sous la narration enfantine, où Marzi se plaint avant tout du manque de considération des adultes et d’un ennui omniprésent (Marzi étant fille unique), on sent un deuxième degré de lecture qui amène une forme de complicité avec le lecteur. C’est ce double langage qui fait le sel de l’ouvrage.
Cette série fonctionne donc sur un fragile équilibre entre l’histoire de Marzi et l’Histoire avec un grand « H ». Or, cet équilibre se trouve quelque peu fragilisé ici, pour la première fois. Les évènements devenant bien plus importants et graves (les grèves se généralisent, le mur de Berlin tombe…), les auteurs ont eu du mal à éviter l’écueil de l’aspect purement documentaire. Ainsi, par moment, on ne se rappelle plus vraiment que c’est Marzi qui raconte l’histoire. Il y a donc des extraits d’émissions télévisés et j’avoue avoir beaucoup moins accroché du coup. L’œil de l’enfance se dilue ainsi dans le début de l’ouvrage, consacré presque exclusivement aux événements en Pologne. Puis l’ouvrage reprend les anecdotes plus personnelles jusqu’à la dernière page. Ce déséquilibre, qui donne presque l’impression de deux ouvrages distincts, m’a gêné.
Cependant, l’empathie pour la petite rousse aux grands yeux bleus fonctionne toujours autant. Et passés les événements de la chute de l’URSS, on retrouve avec joie Marzi qui grandit et affronte des évènements de bien moins grande ampleur pour le monde, mais essentiels pour sa construction personnelle. La petite polonaise grandit devant nos yeux et cette évolution est plutôt réussie.
Graphiquement, le gaufrier de six cases, très strict, continue à ne pas gêner Sylvain Savoia qui sait varier les plans et les atmosphères sans peine. Son trait enfantin et expressif correspond parfaitement à la narration. Il est tout à fait capable de retranscrire la légèreté ou la gravité des situations. Encore une fois, ce fut pour moi une belle découverte que ce dessinateur et plus j’avance dans « Marzi », plus j’ai envie de découvrir ce qu’il peut bien faire à côté de cette série !
Au final, c’est une semi-déception que ce cinquième tome. Certes, on y retrouve toutes les qualités des précédents tomes, mais je trouve que l’équilibre entre les anecdotes est un peu rompu. Il est sûr qu’avec la montée de la colère en Pologne, c’est difficile à rester extérieur. Mais le résultat devient plus didactique. Peut-être est-ce aussi une volonté de nous montrer que Marzi est plus âgée et donc comprend mieux les évènements ? En tout cas, cela ne m’empêchera aucunement de me jeter sur le sixième tome afin de découvrir la destinée de la petite polonaise aux grands yeux.