Aucun cynisme dans cette démarche : ce projet initié par une retraitée a surtout pour objectif de recréer du lien social pour des personnes âgées en déshérence.
2010 – 2017 : un véritable succès
Après des années vécues comme infirmière en unité de soins palliatifs, Kathie Williams part à la retraite, … et s’ennuie. Isolée, inactive, comme la plupart des gens de sa génération, elle n’est pas du genre à se laisser abattre : inspirée par son expérience professionnelle, l’idée lui vient de créer un club de rencontres où des septuagénaires viendraient construire leur catafalque.
Katie Williams, fondatrice du Kiwi Coffin Club , avec son cercueil. Photo : Katie Williams
Nous sommes en 2010 et le premier Kiwi Coffin Club voit le jour, au fond de son garage. Au programme : mise en place des plans (mesures, schéma, …), montage de la boite, finitions, aménagement et décoration en fonction de ses goûts, le tout sous la houlette de charpentiers professionnels.
Une fois le coffre terminé, on le conserve chez soi en attendant l’instant fatidique d’y reposer pour toujours.
Le projet était osé, pour ne pas dire provocateur. Il a pourtant rencontré un véritable succès : sept ans plus tard, les antennes du Kiwi Coffin Club ont fleuri partout sur l’île, avec des taux de fréquentation record puisqu’on dénombre actuellement jusqu’à 120 membres sur certaines unités.
Un temps déroutés, les participants sont vite conquis par l’ambiance bon enfant, les échanges et l’effet de groupe.
Les personnes âgées en Nouvelle-Zélande adoptent avec enthousiasme un nouveau passe-temps : la fabrication de leur propre cercueil. Photo : Katie Williams
Un cercueil pour vivre mieux et ensemble
En effet ce genre d’atelier rompt l’isolement subi par le 3eme âge tout en permettant de maintenir ses forces vitales : la conceptualisation de la boite stimule l’esprit et la logique, le montage mobilise l’agilité et la force, la précision, l’ornementation requiert de l’imagination, et à ce titre les participants s’avèrent d’excellents créatifs, doués d’un talent certain.
Le tout constitue un excellent exercice d’entretien, et un véritable plaisir. Outre les passages en atelier, on peut prendre le thé, écouter de la musique ensemble, discuter, échanger, pour apprivoiser la mort, la dédramatiser.
Certains des cercueils créés par les personnes âgées sont de véritables œuvres d’art. Photo : Katie Williams
Ainsi, le fait de fabriquer son propre cercueil, outre une économie évidente pour les familles (la loi oblige les entrepreneurs funéraires à utiliser ce type de catafalque) participe d’une véritable thérapie, une volonté de neutraliser la peur de l’inévitable tout en renforçant les liens de la communauté.
A ce titre les membres du Kiwi Coffin Club ont ouvert leur champ d’action en réalisant des cercueils destinés aux nouveaux nés et aux enfants décédés, cercueils qu’ils donnent volontiers aux parents en deuil afin de partager leur chagrin et de le soulager.
Apprivoiser la mort
Le geste est puissant et replace ces vieillards au cœur d’une action sociale qui vise à comprendre et soulager autrui. Typique d’une culture insulaire marquée par la pensée anglo-saxonne, cette entreprise va dans le sens d’une véritable tendance de fond à repenser la mort, à la réintégrer dans le processus de la vie dont elle est la conclusion logique.
A ce titre le Kiwi Coffin Club va dans le même sens que toutes les expérimentations faites actuellement sur le traitement écologique du cadavre, le courant des selfies mortuaires, le besoin de personnaliser les obsèques pour rendre hommage au mort en temps qu’individualité. A quand pareille volonté en France ?
On sait les lois particulièrement sévères en matière de funéraire, notamment quant à la fabrication des tombes et des cercueils qui doivent respecter des normes précises quant à l’étanchéité, la solidité et l’identification, impliquer des matériaux déterminés, adaptés aux conditions de l’inhumation comme de la crémation.
Si l’article R22-13 du Code Général des Collectivités Territoriales encadre les procédés d’élaboration, il n’impose en rien que le cercueil soit produit par des professionnels.
Il est donc tout à fait envisageable que des particuliers puissent construire leur propre bière pour peu qu’ils suivent à la lettre les directives de la loi. Ainsi rien ne s’oppose à ce que des associations inspirées des « Kiwi Coffin Club » voient le jour dans l’Hexagone… et rien ne dit qu’ils ne s’inscrivent pas rapidement dans notre paysage social.