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Pourquoi cette exposition placée sous le patronage de S.E. Ramón de Miguel, ambassadeur d’Espagne en France, se tient-elle à Paris et non à Madrid ou Barcelone? On est en droit de se le demander. Pablo Melendo Beltrán, commissaire de l'exposition avec Pierre Curie, conservateur du musée Jacquemart-André, dépeignent celle qui est née María Koplowitz Romero de Juseu Sternberg Armenteros, à Madrid le 12 septembre 1952, comme une personne discrète qui ne veut pas attirer l'attention. Et le premier de préciser que l'exposition s'est organisée le plus simplement du monde et qu'il est fort possible qu'on la voie aussi dans la foulée en Espagne. De plus, les liens qu'entretient Alicia Koplowitz avec la France sont étroits. Elle a étudié au Lycée français de Madrid, est devenue chevalier de la Légion d'honneur en 2006 et la première pièce de sa collection fut une porcelaine de Sèvres qu'elle avait acquise à la salle Drouot. Alicia Koplowitz marquise de Bellavista y del Real Socorro est également membre de l’UCAD de France, Union Centrale des Arts Décoratifs.
Selon Pablo Melendo Beltrán, l'exposition, fruit de trente années de collection, est conçue comme un dialogue à travers les siècles imaginé par une femme extraordinaire. On est tout à fait d'accord quand on découvre Zurbarán côtoyant Tiepolo, Canaletto, Guardi, Goya ou Toulouse-Lautrec voisinant avec Gauguin, Van Gogh, Picasso, Van Dongen, Modigliani ainsi que Schiele, Nicolas de Staël, Julian Freud, Mark Rothko, Miguel Barceló, Alberto Giacometti proches de Louise Bourgeois et Germaine Richier. Énumération à donner le tournis ou susceptible de provoquer sur place ce qu'on appelle le syndrome de Stendhal. L'illustre écrivain ayant décrit d'une manière clinique le malaise que peut occasionner cette surabondance d’œuvres d'art… Alicia Koplowitz ne privilégie pas les plus célèbres ou les plus cotées mais celles qui laissent entrevoir une histoire et permettent de penser qu'il y a eu alors un tournant dans la carrière de l'artiste. C'est ainsi que le superbe portrait de Doña Ana de Velasco y Girón qui allait devenir duchesse de Braganza, sous le pinceau de Juan Pantoja de la Cruz, peintre de la cour de Philipe III, est une commande de ses parents en 1603 pour les consoler de son départ après son mariage. On a beau préférer le classicisme d'Antonio Joli avec ses rues madrilènes d'Atocha et d'Alcalá, "Femmes au bord de la rivière" de Gauguin, on ne peut rester indifférent devant la Jeune femme au manteau de fourrure de Lucian Freud, ni être fasciné par le portrait de la "Femme au grand chapeau" de Kees Van Dongen et trouver beaucoup de mystère à "L'Araignée géante" de Louise Bourgeois…
Alicia Koplowitz n'a pu qu'apprécier l'exposition de ses trésors dans la demeure d'une autre grande collectionneuse, Nélie Jacquemart. Avec son mari Édouard André qui partageait sa passion pour l'art, elle avait su faire de leur hôtel particulier du 158, boulevard Haussmann une demeure d'un grand raffinement qui abrite quelque 200 œuvres italiennes qu'à leur mort ils ont léguées à l'Institut de France. Cette passion pour l'art Alicia l'a ressentie très jeune, lorsqu'à 7 ans elle avait visité le Prado avec sa classe du Lycée français de Madrid. Les hasards de l'existence ont fait qu'elle n'a pas pu faire les études artistiques qui lui auraient plu mais s'occuper avec sa sœur Esther des affaires familiales, une immense société spécialisée dans le bâtiment laissée en héritage par leur père Ernesto Koplowitz. Cet ingénieur allemand avait dû fuir son pays dans les années '30. Dès qu'elle l'a pu, elle a quitté la présidence du groupe FCC, Fomento de Construcciones y Contratas S.A. pour créer en 1998 le fonds d'investissements Omega Capital, propriétaire officiel de la collection. Elle se plaît à dire: "Je me suis mariée à 18 ans et je n'ai jamais pris une décision seule de ma vie. C'est la première". On ne peut que s'en réjouir. Elle s'implique par ailleurs dans de nombreuses institutions humanitaires.